« Mes années de jeunesse et d’adolescence sont liées à la personnalité de mon père dont la vie spirituelle s’est considérablement approfondie après la mort de son épouse et de son fils aîné. Le regardant vivre de près, je le voyais très exigeant avec lui-même, s’agenouillant pour prier. Ce fut la chose la plus importante au cours de ces années qui comptent tant dans la maturation d’un jeune homme. » /
André Frossard, « N’ayez pas peur ». Entretiens avec Jean-Paul II
« Ce 4 décembre, le médecin chef-adjoint de l’hôpital municipal, le docteur Edmund Wojtyła, est décédé des suites d’une scarlatine aigüe. Il avait contracté cette maladie mortelle auprès d’une patiente qu’il avait voulu arracher aux griffes de la mort (…) Honneur à sa mémoire ! » /
Compte-rendu de session du Conseil Municipal de la ville de Bielsko
#LOLEK
Karol Wojtyła, dit Lolek, vient au monde dans un petit appartement sur la place du Marché de Wadowice le 18 mai 1920, pendant la guerre polono-bolchevique. Son frère Edmund a presque quatorze ans. Olga, sœur de Karol, est morte quatre ans plus tôt, peu après sa naissance.
Lolek parcourt la montagne avec son père militaire. Son frère l’amène jouer au football. L’amour de la montagne et du sport lui restera jusqu’à la fin de sa vie. Lolek va à l’école primaire puis au lycée. Il a de nombreux camarades d’étude et de sport. Exceptionnellement doué, il s’intéresse à la littérature et au théâtre.
Emilia KaczorowskaThe Centre for the Thought of John Paul II
Emilia, mère de Karol, était la cinquième d’une famille d’artisans de treize enfants. Elle a grandi à Cracovie. Après son mariage, elle s’est occupée de sa maison et de couture.
Il perd sa mère peu avant son neuvième anniversaire. Il vit un autre drame trois ans plus tard avec la mort de son frère. Lolek vit avec son père jusqu’à la fin du lycée à Wadowice. Il devient enfant de chœur et revêt le scapulaire des Carmélites. Après le baccalauréat, il déménage pour Cracovie où il entame les études de langue et littérature dont il rêvait.
« Nous jouions au football dans les ruelles autour de l’église, et le prêtre nous chassait, craignant que nous ne détruisions les beaux vitraux. » /
Eugeniusz Mróz, camarade de Lolek
#KAROL
« Chaque fois que je rencontre des travailleurs manuels, je ne peux me retenir de confier qu’une des grandes grâces qui m’ont été données fut de travailler presque quatre ans dans des carrières et à l’usine. » /
Jean-Paul II, Gabon, 1982
Année 1939. En juin, Wojtyła achève sa première année d’études de lettres à l’Université Jagellonne de Cracovie. Le 1 septembre, les Allemands envahissent la Pologne. L’université est fermée.
L’Occupant impose le système du travail obligatoire. Karol casse à coups de pic des pierres qu’il transporte dans des brouettes aux usines de soude Solvay de Cracovie. Il met à profit les moments d’interruption du travail pour lire et prier. Il participe tous les matins à la messe célébrée en l’église de Dębniki. Après quoi il court au travail en sabots et en treillis, un sac passé à l’épaule
La Seconde Guerre mondialeThe Centre for the Thought of John Paul II
L’Occupant s’est aussi attaqué à la culture polonaise.
Pendant la période de guerre, le théâtre est un moyen de lutte. Il entretient le moral de la population. Karol ajoute à son travail physique des rôles dans les spectacles du Théâtre Rhapsodique. On sent en lui un futur acteur remarquable. C’est aussi à cette époque qu’il écrit des poèmes de jeunesse et des pièces.
« À l’hiver 1941, Mietek Kotlarczyk et son épouse sont venus habiter chez Karol. Nous avons donné à ce souterrain le nom de « catacombes ». […] et c’est là, dans la maison de Karol qu’eurent lieu sept premières du théâtre rhapsodique clandestin. » /
Halina Królikiewicz-Kwiatkowska, actrice du Théâtre Rhapsodique
#PRÊTRE
« Une vocation qui mûrit en de telles circonstances acquiert des valeurs et des significations nouvelles. Face au mal qui se répandait et aux horreurs de la guerre, les sens de la prêtrise et de sa mission dans le monde sont devenus pour moi extraordinairement transparentes et lisibles. » /
Jean-Paul II, « Don et mystère »
En 1942, la guerre se poursuit. « Pourquoi tant de jeunes de mon âge périssent-ils, et moi non ? » se demande Karol. Il abandonne ses rêves de théâtre et entre dans un séminaire ecclésiastique clandestin. Il continue à travailler chez Solvay jusqu’au « dimanche noir » du 6 août 1944 où les Allemands arrêtent les hommes jeunes par crainte de les voir suivre l’exemple de l’Insurrection de Varsovie. Ils omettent de fouiller le souterrain où loge Karol.
Crypte Saint-Léonard du château de Wawel. Le 2 novembre 1946, Wojtyła sert sa messe de prémices. Il a été la veille ordonné prêtre par l’archevêque Adam Sapieha. Il est aussitôt après envoyé étudier deux ans à Rome.
Village de Niegowić, dans la commune de Gdów. Année 1948. Un nouveau vicaire arrive à l’église du village, le père Wojtyła. Il baise la terre au moment de franchir la limite de la paroisse. Il est rappelé un an plus tard à Cracovie. Il donne dans la paroisse Saint-Florian des conférences pour les étudiants, fonde un chœur de jeunes et organise des excursions. Il est ensuite transféré à la recherche et prépare une habilitation. Il commence à enseigner à l’Université catholique de Lublin.
« Il y avait une salle de spectacle avec une scène, mais les répétitions se déroulaient à la lampe à pétrole dans une pièce non chauffée. Nous n’avions pas encore l’électricité à Niegowić. Donc tout se passait à la lampe à pétrole. Mais pour la représentation elle-même, les gars ont déniché une vieille dynamo laissée par les Allemands. Une grande. Ils étaient deux à pédaler au grenier du bâtiment, et de la lumière électrique brillait sur la scène. » /
Maria Trzaska, habitante de Niegowić, à propos des représentations mises en scène par le père Wojtyła
« J’étais à l’époque le prieur de Jasna Góra. Et je me souviens d’un jeune prêtre arrivé de Cracovie, Wojtyła. C’était en fait un phénomène. Il n’y avait pas alors de pèlerinages comme aujourd’hui. On voyait des groupes, des compagnies traditionnelles comme on disait, avec des orchestres. Et voilà qu’arrive un groupe de jeunes avec une sorte de prêtre en pantalon et à vélo. » /
Jerzy Tomziński, père paulin
#TONTON
« Nous avons donc avancé en kayak sur les vagues de la rivière, puis dans un camion qui transportait des sacs de farine, et nous sommes arrivés à Olsztynek. Le train pour Varsovie partait tard dans la nuit. » /
Jean-Paul II, « Levez-vous et allons »
Eté 1958. Wojtyła se trouve en vacances à faire du kayak en Mazurie avec des jeunes qui l’appellent « Tonton ». C’est là qu’il reçoit un appel du cardinal Wyszyński qui le fait venir à Varsovie où il apprend qu’il est nommé évêque. « Monseigneur, je suis trop jeune, je n’ai que trente-huit ans » - dit-il. « C’est une faiblesse dont on guérit rapidement » - reçoit-il en réponse.
« De retour après sa nomination, il a d’emblée déclaré que « Tonton » serait toujours « Tonton ». » /
Teresa Malecka du groupe de la pastorale des jeunes du père Karol Wojtyła
C’est l’époque où les communistes construisent Nowa Huta, un quartier de Cracovie conçu comme modèle d’urbanisme communiste. Les habitants exigent une église. Ils reçoivent un permis qui est rapidement retiré. Une foule s’assemble sur le site de la construction où une croix a été érigée. Les services répriment brutalement la protestation. Le jeune évêque ne se donne pas pour vaincu. En 1967, il pose une première pierre, et dix ans plus tard il consacre le nouvel édifice appelé l’Arche du Seigneur.
Jasna Góra, année 1966. L’épiscopat se rassemble sur la colline du sanctuaire, le grand nombre des fidèles les entoure dans la plaine. Il s’agit du point culminant des cérémonies du millénaire du baptême de la Pologne. « Nous t’offrons la Pologne entière dans une captivité de l’amour ». Le primat Stefan Wyszyński confie sa patrie à la Mère de Dieu. L’évêque de Cracovie représente pour le primat un soutien solide pour la réalisation des célébrations du millénaire.
Evêque Karol WojtyłaThe Centre for the Thought of John Paul II
L’évêque Wojtyła utilisait le temps passé en voiture pour lire et préparer des textes. Il avait à cet effet installé une lampe devant son siège.
#CARDINAL
« La vocation signifie que nous devons toujours envisager un projet nouveau pour notre vie, différent de celui qui nous avait fait exister jusque-là. » /
André Frossard, « « N’ayez pas peur ». Entretiens avec Jean-Paul II ». Rome, années soixante. Wojtyła participe activement aux travaux du Concile Vatican II. Il reçoit la mitre cardinalice en 1967. Il devient un collaborateur de confiance de Paul VI très critiqué pour l’encyclique Humanae vitae. Le jeune cardinal lui apporte une aide doctrinale et spirituelle.
« (…) si nous avons un jour besoin d’un pape, je n’ai qu’un seul candidat : Wojtyła ! Malheureusement, c’est impossible. Il n’a aucune chance. » /
Père Henri de Lubac, jésuite, expert du Concile Vatican II
En 1978, le chapelle Sixtine retient l’attention du monde. Le conclave se prolonge. Les scrutins se succèdent sans résultat. Le troisième jour, un bouleversement se produit. Wojtyła devient favori. Le cardinal Wyszyński lui souffle « Si vous êtes élu, ne refusez pas ».
« Habemus papam ! » – lance une voix du balcon de la basilique Saint-Pierre. Tempête d’applaudissements. Le cardinal Wojtyła ! – Stupéfaction. Qui ça ? Un cardinal de Pologne ! Comment est-ce possible ? Le dernier pape non Italien a vécu au XVI° siècle. Le nouveau pape apparaît au balcon et gagne aussitôt la sympathie des fidèles. La nouvelle fait la une des journaux du monde entier. Les autorités polonaises ne savent comment réagir.
Karol Wojtyła élu pape (20th Century)The Centre for the Thought of John Paul II
Jean-Paul II (20th Century)The Centre for the Thought of John Paul II
« Appelé d’un pays lointain… lointain mais toujours si proche dans une communauté de la foi et de la tradition chrétienne » – dit Jean-Paul II dans ses premiers mots aux fidèles, ajoutant « Si je me trompe [en parlant italien – sup. de la rédaction], corrigez-moi ».
Jean-Paul II (20th Century), Cyprian GrodzkiThe Centre for the Thought of John Paul II
« N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! ». Ces paroles de la première homélie place Saint-Pierre furent reconnues comme programme du pontificat de Jean-Paul II.
#PÈLERIN
« (…) car c’est le rôle de l’Eglise qui veut unir, qui veut servir la fraternité entre les hommes et entre les peuples, au-delà de ce qui les sépare et parfois les dresse les uns contre les autres. » /
Jean-Paul II au corps diplomatique à Rome, le 14 janvier 1980
Juin 1979. La place de la Victoire à Varsovie se remplit de fidèles en dépit des obstacles imposés par les autorités. Le pape déclare : « Que Ton Esprit descende et renouvelle le visage de la terre. De cette terre ! ». Ses pèlerinages dans sa patrie contribuent à un changement des consciences et donnent aux gens l’espoir d’un changement du système en Pologne. Après 1989, Jean-Paul II continue à prêcher la conquête de la liberté, de la liberté intérieure, et l’observance du Décalogue. Il visite huit fois son pays. Il est un père et une autorité, même s’il se heurte à des voix critiques. Il visite tous les recoins de la Pologne. Chacune de ses visites est un grand évènement pour les Polonais.
Jean-Paul II en Pologne (20th Century), Cyprian GrodzkiThe Centre for the Thought of John Paul II
Des jeunes ont en 1979 campé toute la nuit dans la rue devant l’église Sainte-Anne à Varsovie pour pouvoir participer à la rencontre avec le pape.
Jean-Paul II en Pologne (20th Century), Cyprian GrodzkiThe Centre for the Thought of John Paul II
« Il a dit « N’ayez pas peur… ». Ce fut pour nous un appel, c’est en tout cas ainsi que je l’ai reçu. Nous nous sommes alors relevés. » /
Anna Walentynowicz, cofondatrice du syndicat « Solidarité »
Jean-Paul II en Pologne (20th Century), Cyprian GrodzkiThe Centre for the Thought of John Paul II
Lors de la messe célébrée à Gdańsk-Zaspa en 1987, l’autel dessiné par Marian Kołodziej évoquait un navire, et le pape a prononcé son homélie depuis la passerelle du commandant.
Jean-Paul II est le premier pape de l’histoire à visiter l’Eglise dans tous les endroits du monde. Il effectuera au cours de son pontificat cent quatre voyages, parcourant une distance supérieure à quarante fois le tour de la terre à l’équateur.
#PÈRE
« Les jeunes que j’ai rencontrés m’ont donné la certitude que notre monde avait un avenir grâce à eux. » /
Jean-Paul II aux jeunes, Gabon, 1982
Jean-Paul II en Italie par Arturo MariThe Centre for the Thought of John Paul II
Nous sommes en 1985. Jean-Paul II croit en la jeunesse du monde qu’il invite à Rome pour le dimanche des Rameaux. Les sceptiques prévoient un échec de fréquentation. Trois cent mille personnes viennent se rassembler. Depuis lors, les Journées Mondiales de la Jeunesse se tiennent de façon régulière. Elles donnent l’espoir que l’Eglise est jeune et dynamique. À Jasna Góra en 1991, des jeunes des deux côtés du rideau de fer se réunissent pour la première fois. Aux JMJ aux Philippines participent jusqu’à cinq millions de personnes. « Il était pape au plein sens de ce mot. Il a été un bâtisseur de ponts. Il fut le plus grand pape de tous les temps. » /
Helmut Kohl, ancien Chancelier d’Allemagne
Année 1986. Des juifs, des musulmans, des bouddhistes et des chrétiens de divers confessions se rencontrent à Assise. Ils s’unissent dans une prière pour la paix. Jean-Paul II appelle à plusieurs reprises à la réconciliation, notamment dans les Balkans et au Rwanda. Il intervient personnellement dans le conflit entre le Chili et l’Argentine. Il rencontre à nouveau des chefs religieux en 2002 en implorant Dieu après l’attentat contre le World Trade Center et après le déclenchement de la guerre en Afghanistan.
Jean-Paul II en Italie (20th Century), Alessandro BianchiThe Centre for the Thought of John Paul II
Avec le Grand Jubilé de l’An 2000 Jean-Paul II a amené l’Eglise dans le troisième millénaire. En 1999, la veille de Noël, à minuit, il a ouvert la Porte Sainte de la basilique Saint-Pierre en signe de début du Jubilé. La Porte Sainte est le symbole de passage du péché à la grâce. L’an 2000 a été riche en évènements et rencontres, dont le pèlerinage du pape en Terre Sainte. Le Grand Jubilé s’est terminé le 6 janvier 2001 par la fermeture de la Porte Sainte.
#SAINT
« Chacun de nous ressent douloureusement la fin de la vie, la limite de la mort. Chacun de nous est conscient de ce que l’homme n’est pas entièrement enfermé entre ces limites, qu’il ne peut entièrement mourir. » /
Jean-Paul II, Rome, 5 avril 1979. Année 1981. Le pape fait le tour de la place Saint-Pierre. Il salue les fidèles, prend des enfants dans les bras. Soudain, un coup de feu ! La balle traverse le corps du Saint-Père. La lutte pour sa vie commence. Le pape était arrivé dans la capitale de Pierre plein de force et de résistance physique. L’attentat pèse sur sa santé. À la fin de sa vie, il est atteint par la maladie de Parkinson, et son handicap devient de plus en plus visible. Malgré sa faiblesse corporelle, il conserve toute sa clarté d’esprit.
Jean-Paul II avec Mehmet Ali AğcaThe Centre for the Thought of John Paul II
Dimanche des Rameaux 2005. Jean-Paul apparaît à la fenêtre. Après une opération du larynx il n’est plus en état de faire entendre sa voix. Il bénit les fidèles en silence. Il ne participe pas au chemin de croix du Vendredi saint au Colisée. Il est dans sa chapelle privée où il étreint la croix. Son agonie commence une semaine plus tard. Les fidèles du monde entier s’unissent dans la prière. Jean-Paul II meurt le 2 avril à 21h37.
« Notre pape bien-aimé se tient maintenant à la fenêtre de la maison du Père, il nous regarde et nous bénit », dit le cardinal Ratzinger pendant les funérailles. On distingue dans l’innombrable foule des écriteaux « Santo subito » (« saint tout de suite »). Le pape est béatifié six ans après sa mort, et canonisé en 2014. « Son énergie inépuisable et son courage devant tous les défis avait fait qualifier Jean-Paul II d’athlète de Dieu, ce qu’il resta jusqu’au bout. Affaibli et souffrant ses dernières années en raison d’une maladie incurable, il en donna de plus en plus la preuve. Il a accompli sa mission jusqu’au bout avec une constance extraordinaire puisée dans la force de son esprit. » /
Agence polonaise de presse, dépêche au lendemain de la mort du pape
L’exposition a été réalisée et mise à disposition par le Centre de la pensée de Jean-Paul II en coopération avec l’Institut Polonais de Paris.
Texte : Barbara Stefańska
Rédactrice : Marta Dzienkiewicz
Correctrice : Ewa Popielarz
Projet graphique : Wojciech Paduch
Coordinateur : Maciej Omylak
Traduction : Erik Veaux
www.centrum2.pl, www.jp2online.pl
Les réalisateurs de l’exposition ont apporté tous leurs efforts pour contacter les propriétaires des droits des photographies présentées. Dans les cas où les tentatives d’identification de la propriété des droits sur les œuvres utilisées n’ont pu aboutir nous demandons de prendre contact ou de nous informer sur la manière appropriée de les présenter.