L'aventure de la carte postale

La conférence postale austro-allemande de 1865 crée le concept de carte postale. En 1869, de petits bristols administratifs sont mis en circulation. Leur succès est fulgurant : dès les premiers jours 140 000 exemplaires sont vendus puis 10 millions d’exemplaires en un an. De nombreux pays adoptent rapidement l’idée.

Suite à la défaite de Sedan, Gambetta crée près du Mans un camp destiné à la future Armée de Bretagne. Près de 80 000 hommes s’y entassent et la correspondance avec les familles leur procure un certain réconfort mais le papier, vient à manquer.

Léon Besnardeau, un libraire proche du camp, a l’idée de découper en petits rectangles les couvertures des cahiers dont il a déjà vendu les feuilles. La ressource s’épuise vite, il fait alors imprimer chez Oberthur à Rennes des cartes blanches. La mention « Souvenir de la Défense Nationale » inscrite sur l’illustration laisse penser que la carte a été réalisée après la guerre de 1870 pour les soldats venus en pèlerinage. De ce fait, si le titre d’inventeur ne peut être attribué à Léon Besnardeau, celui d’avant-gardiste mérite de lui être concédé.

1872 : la loi officialise la naissance de la carte postale en France.
Deux modèles à 10 et 15 centimes voient le jour. Il s'en écoule 7 412 700 exemplaires dès la première semaine.

Exclusivement imprimées par l’administration des Postes et vendues dans les bureaux de poste et débits de tabac, ces cartes se présentent sous la forme de cartons de 8x12 cm, avec un côté vierge destiné à la correspondance et l’autre imprimé pour l’adresse.

1875 : la production est libéralisée avec pour seule contrainte le respect de la taille et du poids du modèle administratif. Les commerçants s’en saisissent pour faire imprimer de nombreuses cartes publicitaires. Un décret interdit à la carte postale d’aller à l’encontre des bonnes mœurs et des institutions.

C’est un marseillais, Dominique Piazza, qui va prendre l’initiative d’utiliser la photographie plutôt que la gravure pour envoyer des vues de Marseille à un ami exilé. Piazza développe un produit commercial, mais il ne peut déposer le brevet.

Son idée sera reprise par des éditeurs et imprimeurs parisiens. La carte postale démocratise alors la photographie jusqu’à lors réservée à une élite.

Le début du 20e siècle marque une période faste pour la carte postale.

L’enseignement public gratuit et obligatoire permet à de nouvelles classes sociales d’accéder à la lecture et à l’écriture.

Tous les villages sont desservis par la Poste.

Le tourisme se démocratise peu à peu, stimulant le marché de la carte postale.

La fréquence des distributions du courrier fait de la carte postale un vecteur important de l’information.

L’affranchissement d’une carte postale est moins élevé que celui d’une lettre.

La carte postale s’achète partout : bijoutiers, mécaniciens, buralistes, épiciers, cafetiers, cordonniers ou encore pharmaciens peuvent se faire éditeurs. Désormais vendue autour de 15 centimes, la carte postale est accessible à tous et fait déjà l’objet de collections.

En 1900, la France compte trente-huit millions d’habitants et édite huit millions de cartes et trente-trois revues de collectionneurs.

On n’a jamais autant écrit de lettres ou de cartes postales que pendant la Grande Guerre : 6 à 7 milliards sont échangées entre les soldats et leurs proches, soit une moyenne de près de 1 000 lettres par soldat.

Editées par des éditeurs privés ou organismes officiels, elles véhiculent propagande et message d’amour. Certains éditeurs osent produire des cartes satiriques et antimilitaristes mais dès 1915, ils sont soumis à la censure.

Plusieurs facteurs l'expliquent :
L'automobile libère le touriste qui s’écarte des lieux de fréquentation où les cartes postales abondent.

La photographie amateur permet désormais de garder d'autres souvenirs.

La production industrielle remplace des procédés de fabrication plus artisanaux : le tirage régional se raréfie et la qualité n’est plus au rendez-vous.

Le développement de la presse illustrée, du téléphone, de la radio fait perdre l’intérêt informatif de la carte postale.

La photographie couleur apparaît dès les années 50 mais il faut attendre le milieu des années 60 pour obtenir des reproductions satisfaisantes.

Contrairement aux précédentes décennies, l’évolution technique apporte davantage de qualité. L’utilisation généralisée des bromures permet de réaliser des cartes noir et blanc plus esthétiques.

Les photographes proposent des vues aériennes, c’est l’époque des cartes brillantes et dentelées.

Dans une société évoluant rapidement, les éditeurs évitent de représenter sur les clichés personnages et voitures de manière à ce que les cartes postales ne se démodent pas trop vite. Amorcé dès les années 1930-40, ce tournant prend de l’ampleur, rendant moins vivantes les vues de villes et de villages.

Stimulés et inspirés, les éditeurs innovent avec des cartes multivues, des reproductions de tableaux ou d’affiches, des cartes humoristiques… Ils apportent un soin nouveau aux clichés et à leur présentation. Les années 1990 inventent de nouveaux formats, proposent de nouvelles qualités de papier et font naître la carte électronique.

Passée au format 10.5x15 cm et à la couleur, la carte postale devient un marqueur social voyageant d’un expéditeur vers un destinataire qui, fier de cette attention amicale, l’affiche pour la mettre en évidence.