La mode au XVIIIe siècle

Élégance et vie de cour

Dame en Robe de cour (1785), Charles-Germain de Saint-AubinMusée des Arts Décoratifs

Sous Louis XIV, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, une véritable politique artistique est mise en place dont bénéficient les beaux-arts, comme les arts appliqués. Le classicisme français est un modèle à imiter dans toute l’Europe. L’âge d’or des arts décoratifs français s’affirme plus encore au XVIIIe siècle avec les nouveaux styles Régence, Rocaille et néo-classique. Toute l’Europe élégante s’habille « à la française ». La Révolution, qui éclate en 1789, ne mettra pas un terme à cette influence.

Si les productions françaises symbolisent encore aujourd’hui la quintessence du luxe, c’est au XVIIIe qu’elles le doivent. Les métiers très spécialisés, régis par le strict système des corporations, ont permis de pousser à un haut degré de technicité chacun des savoir-faire 

















permettant à la mode française de rayonner. A la cour, au fil du siècle, le volume du vestiaire masculin s’allège alors que celui des vêtements féminins demeure amplifié par des accessoires contraignants. Dans les années 1770, des tenues plus pratiques et moins cérémonieuses apparaissent dans la vie quotidienne, diversifiant ainsi les traditionnels habits et robes « à la française ». On assiste donc à une accélération des rythmes de mode.

Culotte à pont CôtéMusée des Arts Décoratifs

Habit à la française, justaucorps et culotte (vers 1730-1740)

Apparu vers 1680, l’habit à la française comprend trois pièces. La culotte, arrêtée aux genoux, est à peine visible sous la veste longue. Cette dernière deviendra gilet en perdant ses manches et en raccourcissant. Enfin, un justaucorps à l’encolure arrondie, ancêtre de l’habit, se porte par-dessus.

Ce justaucorps, taillé dans un somptueux velours de soie réhaussé de fil d’argent, est doté de fausses boutonnières rappelant les brandebourgs. Elles ornent les devants et les larges parements de manche « en aile », garnitures équilibrant le volume des basques tout aussi amples. Celles-ci laissent apparaitre les manches plus étroites de la veste de dessous.

Culotte à pont DosMusée des Arts Décoratifs

Selon l'évolution stylistique des arts appliqués, l'ampleur croissante du volume des basques du justaucorps, accrue par des plis au dos, suit le développement en rondeur des meubles contemporains Régence et Rocaille.

Robe volante DosMusée des Arts Décoratifs

Robe volante (vers 1735)

Apparue au début du siècle, cette robe présente, un côté relâché et informel rappelant le « déshabillé », tenue décontractée d’intérieur, qui lui attire des critiques. Cependant, la recherche d’une étiquette moins rigide après la mort de Louis XIV en 1715 et l’assouplissement des mœurs, permettent l’adoption de cette robe à l’apparence confortable trompeuse. En effet, bien que le corsage ne soit pas structuré, l’inconfortable corps à baleines est porté dessous ainsi qu’un panier rond.
Des plis plats tombant d’une encolure carrée, viennent mourir dans l’ampleur de la traine. Les manches trois-quarts sont garnies d’une large bande plissée, amplifiant le mouvement des bras et équilibrant visuellement le diamètre du panier.

Le volume de cette robe met en valeur les motifs textiles généreux dits « à grand rapport », à l’instar de ces fleurs tissées d’inspiration exotique au riche coloris modelé en dégradé.
Ce développement ample, comme celui de l’habit masculin contemporain, se retrouve dans la structure du mobilier Régence.
La robe volante disparait dans les années 1730 au profit de la « robe à la française », ajustée au niveau du buste.

Robe à la française FaceMusée des Arts Décoratifs

Robe à la française (vers 1740)

Dérivant de la « robe volante », la « robe à la française », emblématique de la vie de cour au XVIIIe siècle, est portée par toutes les élégantes européennes. Si on ne peut la qualifier de robe du siècle, son usage comme tenue féminine d’apparat couvre néanmoins soixante ans, soit une bonne partie du règne de Louis XV (1715-1730) et de celui de Louis XVI (1774-1792).
Celle-ci est constituée d'un manteau de robe terminé en traine, dont l’ampleur, accrue dans le dos par des plis plats, est soutenue par un panier ovale. Ce manteau, ouvert sur une jupe, est ajusté sur le buste par une pièce d'estomac ou une échelle de rubans.

Robe à la française DosMusée des Arts Décoratifs

Les plis du dos sont retenus pour ne s’évaser qu’à partir de la taille.
Des manches trois-quarts terminées par un ou plusieurs volants, dépassent les « engageantes » de linge fin ou de dentelle fixées à la chemise.
Apparue dans les années 1730, elle entre en concurrence, une quarantaine d'années plus tard, avec des vêtements plus pratiques pour la vie quotidienne. Cependant, cette robe perdure à la cour jusqu’à la Révolution à laquelle elle ne survivra pas.

Pièce d'estomac (1730-1740)Musée des Arts Décoratifs

Pièce d’estomac (1730-1740)

Point d’orgue du corsage, la « pièce d’estomac » est la partie de la robe à la française la plus ornée. Amovible, celle-ci ferme le manteau au niveau du buste. Elle est fixée à l’aide d’agrafes, de laçages voire par des points de couture réalisés directement sur la robe déjà enfilée.
Alors que les broderies se répandent à profusion dans le vestiaire masculin de cour, l’ornementation des tenues féminines est plus limitée. Seule la pièce d’estomac peut se couvrir de broderies.

Le caractère mouvementé et essentiellement abstrait des ornements brodés rappelle ici les bronzes de style rocaille. L’or domine, les fils entortillés simplement ou en spirale sur une âme textile, ou les lames appliquées jouent sur les textures et les brillances différentes, sur les pleins et les vides. Quelques fleurs au naturel atténuent habilement le clinquant de l’ouvrage.

Corps à baleines (1740/1760)Musée des Arts Décoratifs

Artifices féminins

Le 

















« corps à baleines

















»,  dont descend le corset a marqué presque quatre siècles de
mode féminine. Dès le XVIe siècle, il a fallu souffrir pour être belle ! 

Corps à baleines (vers 1740-1760)

Le corps à baleines permet d’affiner la taille et de remonter la poitrine, atouts majeurs de la féminité. Etroitement ajusté par laçage et rigidifié par plusieurs couches de toile, il est porté sous la robe. Doté de piqures entre lesquelles sont insérées des baleines, complétées parfois par un busc central, il assure le maintien mais affirme surtout, par la raideur hautaine du buste qu'il confère, la conviction d'une supériorité sociale.

Paniers, 1775/1790, Provenant de la collection : Musée des Arts Décoratifs
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Panier à coudes articulé (1775-1790)

Au XVIIIe siècle, un nouvel accessoire porté sous la jupe, le panier, rond puis ovale, simple ou double, donne tout son caractère à la « robe volante » puis à la « robe à la française ». De taille variable selon le moment de la journée et le rang social, il s'aplatit sur le devant et le dos pour prendre ensuite une extension latérale. Il peut être articulé par des charnières afin de se replier, notamment pour monter dans une chaise à porteur ou occuper une moindre envergure dans un carrosse.

Robe à la française FaceMusée des Arts Décoratifs

Garnitures et motifs textiles
des robes à la française

Taillées dans des soieries façonnées, la majeure partie de l’ornementation des « robes à la française » est constituée d’applications de bandes textiles, de rubans ou de passementeries.

Robe à la française CôtéMusée des Arts Décoratifs

Robe à la française, manteau de robe et jupe (vers 1760)

Plissées, froncées en falbalas ou en ruchés, traitées en bouillonnés, en cloqués ou en volants, les étoffes ayant servi à faire la robe ou les gazes légères, s’exacerbent en chemins sinueux ou bien tracent des bandes droites, soulignant les bordures du manteau de robe et le bas de la jupe.

Des rubans ou des passementeries peuvent rehausser ces ornements. En revanche, la broderie, rarement présente, est en général limitée à la pièce d’estomac, à la différence des habits de cour masculins abondamment brodés.

Robe à la française FaceMusée des Arts Décoratifs

Robe à la française, manteau de robe, jupe et pièce d’estomac (vers 1775)

Les motifs textiles de l’époque Rocaille, gras et courbes, donnant l’illusion de l’asymétrie sont, vers 1760, assagis, amincis et aérés. Une dizaine d’années plus tard, ils jouent sur l’effet vertical, travaillés en chutes de guirlandes de fleurs légères accompagnées souvent de rayures, assurant ainsi le passage vers le néo-classicisme.

Robe à la polonaise CôtéMusée des Arts Décoratifs

Robe à la polonaise (1780-1785)

Dans les années 1770, la simplicité prônée par les philosophes des Lumières, relègue la « robe à la française » au domaine de l’apparat et permet d'apprécier la « robe à la polonaise » portée sur un panier plus petit et plus léger. On l’appelle également « robe à la reine » car son nom rend hommage à la reine Marie Leszczynska, épouse de Louis XV et originaire de Pologne, pays ayant perdu son indépendance.

Robe à la polonaise DosMusée des Arts Décoratifs

Son manteau, ajusté tant au dos qu’au devant, s’avère plus léger que celui de l’ample « robe à la française ».

Il est relevé et divisé en trois pans, deux ailes et une queue de longueur variable, rappelant le partage en trois de la Pologne entre la Russie, la Prusse et l’Autriche.

Robe à la polonaise FaceMusée des Arts Décoratifs

La robe à la polonaise, moins ornementée, moins encombrante, plus courte, possède des manches plus simples.
Après une décennie d’existence, on lui préfère la « robe à l'anglaise » ou les ensembles jupe et caraco.

Robe à l'anglaise DosMusée des Arts Décoratifs

Robe à l’anglaise (fin XVIIIe siècle)

La « robe à l’anglaise », en vogue avant et après la Révolution, est dotée d'un corsage baleiné en pointe ne nécessitant plus obligatoirement le corps à baleines.

Cependant, si dans l'absolu les femmes recherchent plus de liberté, elles ne se résolvent pas pour autant à abandonner les artifices qui assurent le maintien dont les classes privilégiées sont si soucieuses.

Robe à l'anglaise FaceMusée des Arts Décoratifs

Son nom exprime la recherche de vêtements moins compassés à la fin d’Ancien Régime, l’Angleterre symbolisant aux yeux des aristocrates et libéraux français la simplicité vestimentaire.

Robe à l'anglaise CôtéMusée des Arts Décoratifs

La robe à l'anglaise, au volume raisonnable soutenu et basculé à l’arrière par une tournure, est plus pratique. L'allègement de la silhouette se poursuit à travers les tissus qui, rompent avec les lourdes soieries façonnées aux motifs chantournés au profit d'un effet vertical, d'étoffes unies ou imprimées.

Gilet, 1740 (vers), Provenant de la collection : Musée des Arts Décoratifs
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Gilet (1760-1770)

En perdant ses manches et son ampleur, en raccourcissant, la « veste », portée sous l’habit, devient le gilet. Alors qu’à la fin de l’Ancien Régime, le vestiaire masculin devient moins opulent, moins orné, concurrencé par des tenues plus simples dans la vie quotidienne, le gilet demeure la pièce maitresse où se réfugie l’ornement.

Gilet, 1765 (vers), Provenant de la collection : Musée des Arts Décoratifs
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Gilet (vers 1765)

Ces deux gilets montrent l’évolution des décors. Aux riches méandres encore marqués par le style Rocaille, succèdent des motifs plus petits traités en semis, des bordures plus graciles et rectilignes, sur des fonds le plus souvent blancs.

Habit "à la française" CôtéMusée des Arts Décoratifs

L’habit
à la française sous Louis XVI

Le
volume du vestiaire masculin décroit à la faveur de l’évolution stylistique des
arts appliqués. Le règne de Louis XVI voit l'élongation du canon masculin,
développement parallèle à la rigueur des
lignes néo-classiques.

Habit à la française, habit, gilet et culotte (vers 1780)

Un col officier est apparu.

Les rabats de manche ont perdu leur hauteur.

Les gilets blancs tranchent avec la couleur de la culotte et de l’habit.

Etre aristocrate est toute une posture… Les manches et les devants du vêtement, projetés vers l’arrière, accusent la prestance en accentuant le bombé du buste et la cambrure. Les chaussures à talons complètent cette fière allure.

Habit "à la française" FaceMusée des Arts Décoratifs

La verticalité de la silhouette n’est pas perturbée par des motifs textiles imposants, on préfère désormais les unis, les rayés ou encore les petits dessins.

A la cour, ceux-ci sont soulignés par de délicates broderies végétales traitées de manière naturaliste, anoblissement demeurant un apanage masculin.

Dame en Robe de cour (1787), Charles-Germain de Saint-AubinMusée des Arts Décoratifs

Les passeurs de mode 

Figures de mode d’un ensemble de dessins. Charles-Germain de Saint-Aubin, dessinateur (1788)

Sous Louis XVI, les coiffeurs, à l’aide de mèches postiches, de coussins de crin ou de poufs, installent des échafaudages capillaires toujours plus élevés, parsemés de bijoux, de dentelles, de rubans, de fleurs ou de plumes.

Les « marchandes de mode » règnent sur l'élégance féminine. Elles parent, enrichissent, personnalisent, les robes cousues par les couturières, tout en créant des coiffes toujours plus extravagantes. Certaines, revendiquant le statut de créateur, annoncent la future haute couture.

Dame en Robe de cour (1788), Charles-Germain de Saint-AubinMusée des Arts Décoratifs

Figures de mode d’un ensemble de dessins. Charles-Germain de Saint-Aubin, dessinateur (1788)

Dans son tableau de Paris, en 1781, le chroniqueur et essayiste Louis-Sébastien Mercier souligne le rôle des marchandes de modes parisiennes qui « donnent des lois à l’univers ». En effet, le costume de cour versaillais s’exporte notamment par l’intermédiaire des « poupées de mode » en deux ou trois dimensions, vers les provinces et surtout vers les cours étrangères. Habillées aux dernières modes françaises, elles en sont les ambassadrices. Les figures des dessinateurs sont gravées et voyagent, elles aussi, par-delà les frontières.

Sac (1775-1790)Musée des Arts Décoratifs

Accessoires féminins

Sac à ouvrage ? Sac à mots doux ? Cette charmante « aumônière » peut recevoir bien des effets ou des secrets. Elle évoque les productions domestiques féminines, car si l’oisiveté est une réalité dans l’aristocratie, celle-ci n’est jamais totale. Il est de bon ton de s’occuper les mains à un ouvrage de broderie, de tapisserie voire de faire des nœuds à l’aide d’une navette d’ivoire ou de laque.

Eventail plié (1740-1760)Musée des Arts Décoratifs

Éventail plié (1740-1760)

A la fois objet de mode et objet d’art, l’éventail n’est pas qu’un « Instrument qui sert à exciter le vent, et à rafraîchir l’air en l’agitant », ainsi que le définit L’Encyclopédie méthodique en 1783.

La feuille peinte de celui-ci rappelle les mythologies ou bergeries galantes de Boucher ou Fragonard. Une nature idéalisée devient le cadre idyllique de l’attente amoureuse, contrepoint aux jeux de séduction que permet l’éventail.

Robe (1795-1800)Musée des Arts Décoratifs

Une éphémère silhouette
révolutionnaire

Le XVIIIe siècle, ouvert dans la
magnificence et le luxe, s’achève dans la tourmente révolutionnaire. Soieries
façonnées, broderies, dentelles, talons rappelant l’ostentation et la
supériorité affichée des privilégiés d’Ancien Régime disparaissent momentanément. 

« Robe de merveilleuse » (1795-1800)

Cette robe, taillée dans une mousseline brodée de bouquets en semis et guirlandes de fleurs en bordures, annonce un timide regain d’intérêt pour la broderie.

Robe DosMusée des Arts Décoratifs

« Robe de merveilleuse » (1790-1799)

La transformation de la silhouette féminine, initiée dans les années 1770, s'accélère à partir de la Révolution pour s'achever en 1795 avec des robes à taille haute. D'inspiration antique, coupées, dans de légers tissus le plus souvent blancs, elles tombent droit.
Pour la première fois depuis le XVIe siècle, les femmes suppriment tout ce qui modelait artificiellement la silhouette. La quête de liberté politique trouve un écho dans la libération de la silhouette féminine ! Les plus audacieuses, les Merveilleuses, osent même un temps la transparence. Au début du XIXe siècle, l’Empire imposera un retour à la décence et au luxe.

Crédits : histoire

Textes et choix des images : Corinne Dumas-Toulouse, historienne de l'art et conférencière au musée des Arts décoratifs

Coordination éditoriale de l'exposition virtuelle : Maude Bass-Krueger, assistée d'Alexandra Harwood et de César Imbert

Crédits : tous les supports
Il peut arriver que l'histoire présentée ait été créée par un tiers indépendant et qu'elle ne reflète pas toujours la ligne directrice des institutions, répertoriées ci-dessous, qui ont fourni le contenu.
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