Le 24 octobre 1941, les funérailles du lieutenant-colonel Hotz sont célébrées dans la ville de Nantes. Filmée par les autorités allemandes, une procession de soldats allemands accompagne le cercueil de l’officier jusqu’au cimetière de la Gaudinière. Les habitants ont pour obligation de fermer tous leurs commerces et de cesser toute activité afin de rendre hommage à Karl Hotz. L’événement est relaté dans la presse locale. 

Le lieutenant-colonel Hotz à Châteaubriant (1940)Château des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Karl Hotz, ingénieur et militaire allemand, est nommé Feldkommandant de Nantes par les autorités allemandes lorsque Nantes est occupée. Ayant séjourné à Nantes entre 1929 et 1933, il connaît bien la ville pour avoir participé aux travaux de comblement de la Loire et de l’Erdre et bénéficie d’une bonne image auprès des Nantais. Il est exécuté le 20 octobre 1941, rue du Roi-Albert, à Nantes, par Gilbert Brustlein. La répression qui s’ensuit va marquer profondément la population nantaise.

Photographie Gilbert Brustlein (1941)Château des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Gilbert Brustlein est un résistant parisien membre des Bataillons de la jeunesse du parti communiste. Il participe, avec son camarade Pierre Georges, connu dans la Résistance sous le pseudonyme « colonel Fabien », à l’exécution d’un officier de la Kriegsmarine à Barbès, en août 1941.

Gilbert Brustlein, résistantChâteau des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Suite à cela, il reçoit l’ordre, en octobre de la même année, de se rendre en mission à Nantes, avec Marcel Bourdarias et Spartaco Guisco. Les objectifs de cette mission, fixés par les cadres du parti communiste, sont le sabotage de voies ferrées et l’exécution d’un officier allemand.

Photographie de Marcel BourdariasChâteau des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Marcel Bourdarias et Spartaco Guisco sont, eux aussi, résistants et militants communistes.

Photographie de Spartaco GuiscoChâteau des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Fort de dix ans d’expérience, notamment dans la guerre d’Espagne, Spartaco Guisco est le chef de cette opération.

Arme de poing (1935/1941), Manufacture d'armes des Pyrénées française (MAPF). Marque "Unique"Château des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Le 20 octobre 1941, ils passent à l’action. La tentative de sabotage ayant échoué, Gilbert Brustlein et Spartaco Guisco se dirigent vers le centre-ville afin d’abattre un officier allemand de haut grade, comme le prévoit leur mission.

Assassinat du Lieutnant Colonel Hotz, scène de l'exécution Assassinat du Lieutnant Colonel Hotz, scène de l'exécution (1941-10-20)Château des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

À proximité de la cathédrale, et de la Kommandantur voisine, les deux hommes croisent le chemin du lieutenant-colonel Karl Hotz, en compagnie du capitaine Wilhelm Sieger. Gilbert Brustlein atteint Karl Hotz de deux coups de revolver dans le dos, tandis que l’arme de Spartaco Guisco s’enraye, laissant la vie sauve à Wilhelm Sieger.

Avis. Un registre est ouvert à la Préfecture et à la Mairie où seront recueillies les signatures des personnes qui désireraient s'inscrire à la suite de l'odieux attentat dont vient d'être victime M. le lieutenant-colonel Hotz, chef de la Feld-kommandantur de Nantes. Nantes, le 21 octobre 1941. (1941-10-21), Ville de NantesChâteau des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Immédiatement après l’attaque, une enquête de terrain est menée par les policiers français. Elle échoit en premier lieu aux hommes du commissaire central avant d’être rapidement confiée au commissaire divisionnaire Delgay. Une restauratrice nantaise donne un signalement précis de deux hommes, venus régulièrement dans son établissement le 18 et le 19 octobre. Assez rapidement, les auteurs de l’attentat sont identifiés. Gilbert Brustlein réussit à gagner l’Espagne, d’où il rejoindra Londres. Quant à Spartaco Guisco et Michel Bourdarias, ils sont interpellés au bout de quelques mois, en France, par les autorités allemandes, et sont fusillés le 17 avril 1942, au Mont-Valérien.

"Avis. Au crépuscule du 21 octobre 1941, un jour après le crime qui vient d'être commis à Nantes (...)" (1941-10-23), Von STÜPNAGELChâteau des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Le lieutenant-colonel Karl Hotz décède quelques minutes après l’attaque. Otto von Stülpnagel, chef des forces d’occupation allemandes en France, est rapidement mis au courant et informe Adolf Hitler.

Nantais ! 'Ne laissez plus faire de mal à la France'. (1941-10), Etat FrançaisChâteau des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

La répression est sévère, puisque Otto von Stülpnagel, sur les ordres du Führer, doit faire exécuter cent otages. Pour cela, il dresse une liste d’otages en s’appuyant sur le gouverneur de la région militaire d’Angers. Pierre Pucheu, ministre de l’Intérieur du régime de Vichy, soumet également une liste, dressée par son cabinet. Von Stülpnagel décide d’en fusiller cinquante immédiatement, et cinquante autres quarante-huit heures plus tard si les auteurs de l’attentat ne se sont pas déclarés.

Le Phare de la Loire, de Bretagne et de Vendée (1941-10-24), Le Phare de la LoireChâteau des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Ces cinquante premiers otages, choisis par les autorités allemandes et françaises en grande majorité pour leur engagement politique, sont communistes, syndicalistes ou résistants. Ils sont tous d’ores et déjà incarcérés, lorsque la liste est dressée. Quarante-huit d’entre eux sont abattus les 20 et 22 octobre 1941. Parmi eux, cinq le sont à Paris, au Mont-Valérien, vingt-sept à Châteaubriant et seize au champ de tir du Bêle, à Nantes. Deux hommes inscrits sur la liste échappent de justesse à la peine capitale pour des raisons administratives. Mais aujourd’hui, les fusillés restent dans les mémoires comme les « 50 otages ».

Le Phare de la Loire, de Bretagne et de Vendée (1941-10-25), Le Phare de la LoireChâteau des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Certaines familles d’otages apprennent l’exécution de leurs proches quelques jours plus tard dans le journal ou sur des avis placardés dans la ville. Afin d’empêcher la seconde vague d’exécutions, certaines d’entre elles écrivent aux autorités allemandes, demandant la clémence pour leurs proches tandis que d’autres se proposent de prendre la place des otages. Certains ouvriers de l’arsenal de Brest décident de faire grève le 25 octobre 1941, pour dénoncer l’horreur de cet événement.

Portrait de Philippe Pétain (1939/1945), SimontChâteau des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Dans ce contexte, le maréchal Pétain prononce un discours radiophonique le 22 octobre 1941. Il exhorte les Français : « Ne laissez plus faire de mal à la France ! ». Cet appel à cesser tout acte de résistance à l’égard de l’occupant s’inscrit dans le droit fil de la politique pétainiste.

Le général de Gaulle (1943/1944)Château des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes

Les réactions à cet événement sont nationales, et internationales. Outre-Atlantique, Franklin D. Roosevelt condamne fermement ces exécutions, tout comme Churchill, à Londres, qui menace les autorités allemandes de représailles à leur tour. Charles de Gaulle, dans son allocution du 23 octobre 1941, condamne également l’exécution des otages et reconnaît l’exécution du lieutenant-colonel Hotz comme un acte de résistance, mais il appelle les Français à cesser les exécutions de soldats allemands, afin de ne pas subir de nouvelles représailles de l’occupant.

Monument aux Cinquantes otages à Nantes, Château des ducs de Bretagne, Provenant de la collection : Château des ducs de Bretagne - Musée d'histoire de Nantes
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La seconde série d’exécutions est annulée, les autorités allemandes ne souhaitent pas nourrir l’hostilité des Français envers elles, ayant pris conscience, au lendemain du 22 octobre, de l’effet produit par l’exécution des otages sur la population. Dès novembre 1941, Charles de Gaulle élève Nantes au titre de ville « Compagnon de la Libération ». Le parti communiste ne revendiquera cette action qu’à partir des années 1950. L’exécution du lieutenant-colonel Hotz et la répression qui s’ensuivit marquent encore aujourd’hui profondément la mémoire nantaise liée à la Seconde Guerre mondiale.

Crédits : histoire

Cette exposition a été réalisée par les équipes du château des ducs de Bretagne - musée d'Histoire de Nantes.

Crédits : tous les supports
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