La découverte du radium en 1898
par Pierre et Marie Curie n’est réellement connue du grand public qu’en 1903
lors de l’attribution de leur prix Nobel de Physique (reçu conjointement avec
Henri Becquerel). L’élément radioactif suscite peu à peu un engouement
particulier qui atteint son apogée durant l’entre-deux-guerres. Les industriels
s’en servent dès lors comme argument publicitaire, vantant les mérites du
radium qu’ils incorporent dans leurs produits. Ils s’appuient alors sur
certains articles scientifiques qui tendaient à démontrer le bienfait pour la
santé de l’utilisation de faible dose de radioactivité, phénomène appelé
hormésis. Les « fontaines au radium », tout comme les produits
Tho-radia, sont emblématiques des années 1930-1940 et montrent tout
l’engouement du public pour cet élément hors du commun.
Les eaux radioactives
Dès 1904 en France, Pierre Curie et Albert Laborde, son collaborateur au laboratoire de la rue Cuvier, s’intéressent aux eaux thermales. Effectivement, leurs propriétés thérapeutiques, connues pour certaines dès l’Antiquité, ne cessent d’intriguer. Le taux de radioactivité de beaucoup d’entre-elles s’avère être supérieur à la normale. De là à en déduire que leurs qualités thérapeutiques viennent de la radioactivité, il n’y a qu’un pas que les stations thermales et les compagnies d’eaux de source n’hésitent pas à franchir : la radioactivité devient alors un argument publicitaire pour convaincre leurs clients et attirer de nouveaux curistes.
Bouteille d'eau minérale radioactive de la source St. Martial (Entre 1900 et 1920), Source : Musée CurieMusée Curie
Les émanateurs au radium
Les bienfaits, réels ou supposés, attribués aux eaux thermales incitent certains industriels à développer durant l’entre-deux-guerres des appareils susceptibles de reproduire ces propriétés radioactives dans l’eau courante. L’émanateur au radium, encore appelé « Fontaine au radium » ou « Cafetière au radium », permet de faire ainsi circuler de l’eau à travers une capsule de sel de radium, qui dégage du radon. L’eau est alors « radioactivée ». Il s’agit du même principe que pour les eaux thermales qui se chargent en radon au contact des roches souterraines avant de ressurgir en surface. La « fontaine au radium » permet de retrouver ou de prolonger à domicile l’action thérapeutique supposée d’une cure thermale. La dose radioactive est pourtant bien plus importante que dans une eau thermale, et donc plus dangereuse pour la santé. Le Service des mesures de l’Institut du radium de Paris que dirige Marie Curie délivre des certificats de « débit » de radioactivité, permettant aux industriels de s’appuyer sur une caution scientifique de renom.
Dessin d'un émanateur de Radium ERCO, Notice de la marque (Vers 1930), Source : Musée CurieMusée Curie
Le cachet de l'Institut du Radium, Notice de la marque ERCO (Vers 1930), Source : Musée CurieMusée Curie
Fontaine au radium de marque OFFRA (Vers 1930), Source : Musée CurieMusée Curie
Etiquette de l'émanateur n°2414 de la marque OFFRA (Vers 1930), Source : Musée CurieMusée Curie
Certificat de contrôle n°649 pour un émanateur de la marque OFFRA (Vers 1930), Source : Musée CurieMusée Curie
Une cure à domicile
L’eau « radioactive » issue de ces « fontaines au radium » peut être utilisée de différentes façons, détaillées dans les notices des appareils. Ainsi, il est possible de la boire ; on conseille de suivre une cure par séries de 21 jours séparées par des intervalles d’une semaine, répétables de 2 à 3 fois. Il est également recommandé de prendre des bains à l’eau « radioactive » 2 à 3 fois par semaine, à renouveler deux semaines plus tard. Ces recommandations perdurent pendant plus d’une décennie durant les années 1930-1940. Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que les « fontaines au radium » ne soient plus produites. L’image de la radioactivité s’est progressivement ternie. De nos jours, il n’est pas rare de trouver certains appareils dans des caves, des greniers ou des brocantes. Comme tout objet contenant de la radioactivité, ils doivent être manipulés avec précaution. Il ne faut surtout pas les ouvrir et contacter l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) qui prend ce matériel dangereux en charge.
Conception : Musée Curie
Photographies des objets : Alexandre Lescure, Institut Curie et Sacha Lenormand