Vous avez dit kitsch ?

Ce mot allemand, intraduisible désigne le sentiment que provoque certains objets : chromos, cartes postales, boules à neige, nains de jardins, certains souvenirs touristiques, vieilles publicités ringardes, gadgets dépassés...
On pourrait également qualifier ces cartes postales de surannées, de moches, de mauvais goût mais aussi parfois de honteuses.
Si certaines peuvent aujourd'hui choquer ou heurter notre sensibilité, d'autres en émergeant des méandres de notre mémoire collective, ravivent chez nous d'agréables souvenirs d'enfance.

Expédiées généralement lors des nombreuses fêtes religieuses ou païennes qui jalonnent l'année : sainte-Catherine, Noël, Pâques, 1er avril… les cartes fantaisies faites d’accumulations de matières (plumes, tissus, cheveux…) sur un fond illustré, parfois gaufré ou peint aux couleurs criardes, définissent souvent le kitsch par leur mauvais goût esthétique.

Elles allient à la fois symbolique et kitsch comme avec cette carte destinée aux Catherinettes. Le bonnet en tissu et dentelle illustre la tradition, quant aux couleurs rappelant celles du drapeau français, elles témoignent d'un sentiment patriotique exacerbé entre la guerre de 1870 et le conflit de 14-18. Si les messages véhiculés sont loin de la réalité de notre société d’aujourd’hui, il est conforme à celle d’hier.

De Joyeuses Pâques sur fond de velours et dentelle. Sous notre regard d'adultes, tous les codes du kitsch sont réunis. Mais cette carte douce au toucher, aux couleurs pastel, avec ce poussin que l'on pourrait presque caresser, aurait certainement encore beaucoup de succès auprès des enfants. Alors kitsch ou pas kitsch ?

Conformes à l’esthétique et au goût de l’époque, elles ne cherchent pas à refléter le vécu des soldats, ni même à l'améliorer, au contraire elles s'en éloignent. En faisant passer un message, soit-il poétique, comique ou de propagande, les éditeurs masquent la réalité en ayant recours à divers artifices (décors peints, trucages photographiques, illustrations patriotiques...).

Ici, un soldat mobilisé sur le front qui envoie à sa famille restée à l'arrière ses vœux pour la nouvelle année. Un portrait photographique inséré dans une fleur en tissu rappelant le bleuet, fleur-symbole des poilus. L'aïeul de nos selfie d'aujourd'hui !

Réelles passerelles entre l'arrière et le front, les cartes postales de la guerre 14-18 illustrent aussi tous les efforts fournis pour entretenir le moral des troupes. Quoi de mieux qu'un peu d'humour, même grinçant, pour rendre le quotidien des soldats un peu plus supportable. La série de cartes « La lange des tranchées » comprend ainsi de nombreux numéros.

Après l'hécatombe de la Grande Guerre, il faut repeupler le pays. Les illustrateurs ne manquent alors pas d'imagination pour inciter les français à fonder une famille nombreuse.

Les cartes postales publicitaires forcent le trait en jouant sur les stéréotypes et l’humour. Un humour qui apparaît aujourd'hui complètement dépassé ou de très mauvais goût.

Le message véhiculé par cette postale serait aujourd'hui inaudible et considéré comme raciste. Elle montre une caricature d'un serviteur noir qui appporte des barres chocolatées à son "maître". Dans le contexte de la 1ère Guerre mondiale et du temps des colonies, elle reflète les mœurs de la société de l'époque pour laquelle les noirs personnifient le chocolat aux yeux des publicitaires et sont considérés comme inférieurs aux blancs.

Les illustrations coquines apparaissent très tôt et le corps des femmes se découvre puis se dénude pour les yeux de ces messieurs. Qualifiées de "grivoises" par les amateurs de nudités ou de "licencieuses" par les moralistes au début des années 1900, ces cartes au charme désuet dévoilent la sensualité et l'érotisme à la Belle époque.

Au fil des décennies, le mauvais goût l'emporte. Selon les clichés et les légendes, certaines donnent dans le sexy tandis que d'autres sont totalement graveleuses et suscitent écœurement pour les uns ou hilarité chez les autres. Aujourd'hui considérées comme « socialement incorrectes », certains éditeurs refusent de vendre ces horreurs postales qui nuisent à leur image et qui rencontrent de moins en moins de succès auprès des touristes.

A l'instar des cartes publicitaires, les cartes humoristiques véhiculent de nombreux messages ringards. Sous notre œil contemporain, ils peuvent choquer, ne font plus du tout sourire et sont parfois totalement incompris tant on a perdu l'idée originelle du message.

La Bretagne exotique et pittoresque se vend bien. Les photographes amplifient et caricaturent les traits d’une région insolite et forte de ses traditions. La carte postale représentant une manne financière importante, ils exploitent ces clichés en éditant de nombreuses séries à succès. Bien évidemment crêpes et costumes traditionnels y sont largement représentés.

Bien avant la saga du roman-photo dans la presse, les éditeurs publient des séries de cartes postales racontant des histoires amoureuses autour des lits-clos, dégoulinantes de niaiserie sentimentale et de frivolité. Il fallait donc acheter la série entière pour connaître le dénouement de ces histoires montées entièrement en studio-photo.

Autre classique du genre : l’image du marin, indépendant et voyageur, rentrant au port et jouant de l’uniforme pour séduire ces dames.