Deux têtes de Bretonnes (1894/1894), Paul GauguinMusée de Pont Aven
De Pont-Aven à Tahiti
Paul Gauguin a effectué cinq séjours à Pont-Aven : 1886, 1888, 1889, 1890 et enfin 1894 avant de partir définitivement pour Tahiti.
Des Bretonnes exotiques ?
Gauguin dessine deux visages de Bretonnes portant la coiffe de travail, évocation de son vécu à Pont-Aven mais aussi de son attirance pour l'exotisme des îles que l'on décèle dans la physionomie de l'un des visages.
Avant son départ, il offre ce pastel à son ami Maxime Maufra qu'il dédicace : "à mon ami Maufra, l'artiste d'avant-garde aita aramoe ("pas oublié" en tahitien)".
Paul Sérusier séjourne durant l'été 1888 à Pont-Aven. Il y côtoie Paul Gauguin, dont il suit les conseils. De retour à Paris, il montre à ses jeunes collègues, les futurs "Nabis"("prophètes" en Hébreu), ce qui va devenir leur "Talisman". Ces deux peintures témoignent de l'évolution stylistique de l'artiste qui délaisse l'académisme pour une peinture moderne faite d'aplats de couleurs pures, imprégnée de japonisme exprimant le ressenti de l'artiste.
L'Eglise à Saint-Nolff (vers 1892), BALLIN MogensMusée de Pont Aven
L'origine du synthétisme
Le terme "Synthétisme" provient du verbe français "synthétiser" et repose sur l'idée que l'art doit être une synthèse de trois caractéristiques :
l'apparence extérieure des formes naturelles, les sentiments de l'artiste à propos de son sujet et des considérations purement esthétiques concernant la ligne, la couleur et la forme.
Vidéo réalisée par le musée d'Orsay pour tout comprendre au mouvement du synthétisme !
Paul GAUGUIN (1848-1903) Village breton sous la neige, vers 1894 ? vers 1898-1899 ?, Dépôt du musée d’Orsay, Paris
Village breton sous la neige (Vers 1894), Paul GauguinMusée de Pont Aven
Un Village breton sous la neige
Cette peinture recèle un mystère : quand a-t-elle été peinte ? vers 1894 ? vers 1898-1899 ?
Au loin, des cheminées d'usines et l'urbanisation évoquent les progrès techniques et l’industrialisation de la fin du XIXe siècle.
Le clocher de l'église se dresse fièrement au centre d'une composition hivernale mêlant un subtil travail des blancs et des marrons.
Achetée par Victor Segalen, à Papetee, lors de la vente des biens de l'artiste après son décès en 1903, cette oeuvre est restée jusqu'à la fin auprès de Gauguin comme souvenir de ses séjours fructueux à Pont-Aven.
Le Char à boeufs, souvenir de Bretagne (1898/1899), Paul GauguinMusée de Pont Aven
D'autres chaumières bretonnes sous la neige
Si le tableau Village sous la neige a bien été peint vers 1898-1899, il est contemporain de cette gravure sur le thème de Noël conservée par le Musée de Pont-Aven, Le Char à bœufs, souvenir de Bretagne
On y retrouve les toits des chaumières enneigés.
Souvenir transfiguré des séjours bretons de Gauguin, cette gravure sur bois se rattache à la "Suite Vollard".
Aimez-vous les uns les autres (1894/1894), Paul GAUGUINMusée de Pont Aven
Dernier séjour de Gauguin en Bretagne
Le dernier séjour de Gauguin en Bretagne est l’opportunité pour le maître de Pont- Aven, en compagnie de son fidèle ami Armand Seguin, de goûter à des expériences en matière d’estampe.
Ce monotype aquarellé Aimez-vous les uns et les autres appartient à cette série de dessins-empreintes que Gauguin définit comme « quelque chose qui ressemble à l’estampe japonaise en couleur à l’eau ».
Le Christ en croix (1926/1926), Paul GauguinMusée de Pont Aven
Un totem pour crucifix
Avec audace, Gauguin pousse à l’extrême son syncrétisme mystique en associant le Christ en croix à un tiki polynésien assorti d’une foisonnante nomenclature de symboles mythologiques océaniens.
Un Jésus nimbé se trouve crucifié à une sorte de totem monolithe représentant un tiki, minutieusement orné d’une foultitude de hiéroglyphes primitifs.
La Femme aux figues (1894/1894), Paul GauguinMusée de Pont Aven
Des figues cuisinées à l'eau forte
Au printemps 1894, Gauguin convoque l'expertise de Seguin en gravure à l'eau-forte sur zinc pour cette Femme aux figues.
Le tirage est confié à Eugène Delâtre qui indique "Seul Monsieur Seguin [sic] s'y connaissait un peu en "cuisine" d'eau-forte. (...)
(...) Il a donc verni et fait mordre une gravure de Monsieur Gauguin". Il n'est pas impossible que Seguin y ait participé.
Paysage de Pont-Aven aux peupliers (Vers 1888), Emile BERNARDMusée de Pont Aven
Emile Bernard et l'approche synthétique
Dans cette composition, plusieurs plans horizontaux évoquent une campagne où quelques arbres apportent la verticalité.
Ici, sous couvert du motif paysager, Émile Bernard démontre sa technique novatrice.
Aux côtés de Paul Gauguin, Émile Bernard est l'inventeur du synthétisme qu'il initie dans une première peinture "Bretonnes dans la prairie verte", conservée au musée d'Orsay et datée de 1888.
À l’initiative du symbolisme synthétique, inventeur d’une vision de la réalité, l’artiste évolue par la suite vers un retour à l’art classique.
Étude pour Le Blé noir (1888/1888), Emile BERNARDMusée de Pont Aven
Étude pour "Le Blé noir"
Émile Bernard a vingt ans lorsqu’il réalise cette pochade tellement synthétiste qu’elle résume à elle seule l’esthétique de Pont-Aven.
Arrivé à Pont-Aven en août 1888, Bernard y séjourne jusqu’en novembre et travaille de concert avec Gauguin.
Le terme "Synthétisme" a été inventé en 1889 lorsque Paul Gauguin et Émile Schuffenecker ont organisé une exposition intitulée "L'Exposition de peintures du groupe impressionniste et synthétiste" au café Volpini à l'occasion de l'Exposition Universelle de Paris. Ce titre déroutant reconnaissait les racines impressionnistes des artistes, en raison du respect des formes naturelles et de la représentation de la lumière.
Maurice Denis participe dès 1890 à la diffusion du synthétisme en formulant ses principes fondamentaux développés par Paul Gauguin et Émile Bernard et en les théorisant au sein du groupe des Nabis, jeunes artistes fréquentant l'académie Julian à Paris au début des années 1890.
Maternité au Pouldu, effet de soir (1899/1899), Maurice DENISMusée de Pont Aven
Cette toile représente une scène de famille, comme les affectionne l’artiste, peinte à l’occasion de vacances à la pension Portier, au Pouldu, en 1899.
Au centre apparaissent Marthe, son épouse, et leur dernière-née Bernadette, entourées d’Éva, la soeur de Marthe, et de Noële, leur aînée.
Les tonalités donnent une ambiance douce et chaleureuse à la composition.
Cette impression est accentuée par contraste avec la fenêtre ouverte en arrière-plan, qui offre une vue en perspective sur la mer à la nuit tombée aux couleurs froides.
Le synthétisme se diffuse également parmi les peintres étrangers venus à Pont-Aven et formant une sorte de cénacle autour du charismatique Paul Gauguin.
Nature morte aux pommes et au chandelier (Vers 1897), Wladyslaw SLEWINSKIMusée de Pont Aven
Slewinski, disciple polonais de Gauguin, a vécu à Pont-Aven, au Pouldu puis à Doëlan entre 1889 et 1916.
Il s’agit d’une nature morte dans le goût de Paul Gauguin dont on mesure ici l’influence.
Les contours cernés d’un trait appuyé, les couleurs pures en aplats, la perspective plongeante et les formes simplifiées évoquent bien l’esthétique de Pont-Aven à laquelle se rattache cette oeuvre dédicacée à Marie Schewtzoff.
Paysage à l'arbre bleu (1889/1890), Meijer de HAANMusée de Pont Aven
Bien que les sujets concrets et réalistes leur servaient de point de départ, les artistes déformaient ces images afin d'exprimer plus clairement certaines humeurs ou interprétations.
Contributeurs :
Sophie Kervran, directrice et conservatrice des musées
Camille Armandary, chargée des expositions et de la communication