Portrait de Clément AderMusée des arts et métiers
Clément Ader naît le 2 avril 1841 à Muret, non loin de Toulouse. Son père, menuisier, espère que son fils unique reprenne l’activité familiale. Toutefois, Ader qui est un élève doué, poursuit ses études. En 1860-1861, il sort diplômé d’une école technique toulousaine et il est embauché en 1862 comme conducteur de travaux à la Compagnie des chemins de fer du Midi.
C’est le début d’une carrière d’ingénieur marquée par une curiosité constante pour les nouveautés.
"Un vélocipède plus performant"
En 1867, Clément Ader visite l’Exposition Universelle qui se tient à Paris. Il y découvre le vélocipède du serrurier et charron Pierre Michaux (1813-1883). Trouvant le véhicule peu adapté - cadre en fer plein très lourd, roues cerclées de fer bruyantes et glissantes - Ader travaille à la mise au point d’un vélocipède plus performant.
Vélocipède de Clément AderMusée des arts et métiers
Il remplace le cadre en fer plein par un cadre en plaques de tôles soudées et gagne en légèreté.
Il imagine également une disposition elliptique des rayons pour les rendre plus légers mais aussi plus solides.
Roue du vélocipèdeMusée des arts et métiers
Enfin Ader intègre un bandage en caoutchouc vulcanisé (breveté en 1867) autour de la roue. Ce bandage a pour effet d’améliorer l’adhérence, le roulement et en conséquence le confort du cycliste.
"Un chemin de fer amovible"
Ader s’intéresse également aux chemins de fer. En 1866, il prend son premier brevet pour un "appareil à relever les rails" bientôt suivi par un brevet de "chemin de fer amovible".
Ancêtre de la chenille, un tel dispositif devait, dans l’esprit d’Ader, apporter les avantages du transport ferroviaire sans nécessiter les coûteux travaux d’infrastructures.
Rails sans fin : coupure de presseMusée des arts et métiers
Malgré l’aspect novateur de cette invention, le chemin de fer Ader n’a pas connu d’applications industrielles. Il a seulement servi à titre de démonstration ou d’amusement.
L'électrophone : transmettre la voix à distance
Insatiable curieux et touche à tout, Clément Ader se penche vers 1876-1877 sur le problème de la transmission de la voix à distance.
Attentif aux recherches conduites en Angleterre et aux États-Unis sur la téléphonie, il se lance dans de longues expérimentations et parvient à mettre un point un dispositif opérationnel, breveté en 1878.
Le théâtrophone : "écouter un spectacle au téléphone"
En 1881, il imagine le "théâtrophone", dispositif qui permet de retransmettre en direct un spectacle et de l’écouter au téléphone ! L’appareil fait sensation à l’Exposition internationale d’électricité, qui se tient cette même année à Paris.
Théâtrophone : coupure de presseMusée des arts et métiers
"Nous sommes allés avec Alice et les deux enfants à l'hôtel du Ministre de la Poste. C'est très curieux. On se met aux oreilles deux couvre-oreilles qui correspondent avec les murs, et l'on entend la représentation de l'Opéra, on change de couvre-oreilles et l'on entend le Théâtre-Français, Coquelin, etc. On change encore et l'on entend l'Opéra-Comique. Les enfants étaient charmés et moi aussi."
Victor Hugo
Le théâtrophone attire l’attention d’industriels américains, britanniques, allemands, autrichiens, belges, espagnols, italiens et russes qui rachètent les brevets d’Ader, lui permettant de se constituer une fortune qu’il utilisera pour mener ses expériences aéronautiques, le grand projet qui l’anime depuis toujours !
Brevet de l'avion de Clément AderSource d'origine : INPI
Inventer "un engin plus lourd que l'air"
Installé à Paris depuis 1875, Ader côtoie
ingénieurs et savants qui lui permettent d’avancer dans ses recherches sur le
vol motorisé,
avec un engin plus lourd que l’air.
Il imagine une structure
équivalente au squelette de chauve-souris.
La conception du moteur est l’un des points les plus épineux à résoudre : il faut qu’il soit puissant, léger et peu encombrant. Ader imagine alors un moteur à vapeur vertical à chaudière tubulaire (1.500 tubes), ne pesant que 17 kilogrammes, avec une puissance de 10 à 12 chevaux.
Lettre d'André Binet à Clément Ader par André BinetMusée des arts et métiers
Les premiers essais ont lieu à la fin de l’été 1890. Baptisé Éole, l’avion se soulève, bondit puis décolle sur une centaine de mètres avant une sortie de piste. Malgré cet incident, le ministère de la Guerre apporte son soutien financier aux travaux d’Ader. André Binet, ingénieur, fut l'un des témoins du vol n°3.
"L’avion n°3 semblait posséder tout ce qu’il fallait pour voler, c’est-à-dire pour se soulever d’abord et pour se diriger ensuite. Mais, sans parler des inconvénients d’une piste circulaire et simplement en terre battue, il manquait surtout à l’avion un pilote sachant le manœuvrer après avoir quitté le sol et c’est là, à mon avis, le point difficile."
Moteur de l'avion n°2 de Clément AderMusée des arts et métiers
Dès 1892, Ader, entame la construction de l’Avion n°2 baptisé Zéphyr. Un atelier est spécialement édifié rue de Jasmin, dans le XVIe arrondissement parisien. Le moteur est rapidement mis au point, Ader reprenant certaines innovations qu’il avait brevetées un an plus tôt.
Dessin de l'avion n°3Musée des arts et métiers
En 1887, il achève un troisième modèle en faisant évoluer la structure de l’Avion n°2.
Il installe le poste de pilotage au centre de l’appareil, derrière le moteur. Les ailes reprennent la structure du squelette de la chauve-souris et sont tendues d’une voile constituée de plusieurs panneaux de soie.
Moteur de l'avion n°3Musée des arts et métiers
L’un des principaux défis à relever pour Ader est d’alléger au maximum le poids de l’aéroplane. Traquant chaque élément superflu, sélectionnant des matériaux innovants, Ader parvient à construire un appareil "plus lourd que l’air" ne pesant que 400 kilogrammes : c’est un véritable exploit pour l’époque !
Avion n°3, ailes repliéesMusée des arts et métiers
Le 12 octobre 1887 a lieu l’essai devant les militaires au camp de Satory. On a pris soin de construire une piste circulaire évitant ainsi les obstacles en bout de piste.
Un premier essai à blanc donne satisfaction : les marques des roues dans le sol s’étant estompées par endroits, c’est la preuve du soulèvement de l’aéroplane !
Essai de l'avion n°3Musée des arts et métiers
Le 14 octobre, profitant d’une accalmie météorologique, Ader lance l’essai officiel ; l’avion se soulève mais l’appareil reste difficilement manœuvrable et un vent de travers venant du sud entraîne l’Avion n°3 sur le bord de la piste où il s’écrase.
La disparition des traces des roues sur environ 300 mètres atteste du vol d’un engin "plus lourd que l’air".
Légende :
A à R : traces des roues sur le sol
R à C : traces de roues interrompues
C à V : l’avion n’a pas touché le sol
V à T : embardée hors de la piste
T : Chute de l’avion
De C en T : l’avion n’a pas touché le sol sur une distance de 300 mètres
Avion n°3, ailes déployées.Musée des arts et métiers
Après l’essai officiel, Ader modifie l’Avion n°3 et songe même à un Avion n°4, avec des moteurs à essence. Mais le ministère de la Guerre décide de rompre le contrat, et Ader doit suspendre ses travaux. L’Avion n°3 est alors remisé aux côtés d’Éole dans l’atelier de la rue Jasmin où Ader le présente aux plus grandes personnalités du monde savant.
Avion n°3 dans la nef de l'église Saint-Martin-des-ChampsMusée des arts et métiers
Malgré cela, les espoirs d’Ader pour trouver de nouveaux financements se réduisent. En 1902, il propose le don d’Éole, du moteur de l’Avion n°2 et de l’Avion n°3 au Conservatoire des arts et métiers. Par manque de place, seuls le moteur de l’Avion n°2 et l’Avion n°3 sont inscrits à l’inventaire des collections.
Avion n°3 à l’Exposition internationale de l’automobileMusée des arts et métiers
L’aéroplane est présenté, en décembre 1908, à l’Exposition internationale de l’automobile, du cycle et des sports au Grand Palais.
Bien que Louis Espinosa, ancien contremaître d’Ader, soit chargé de superviser les déplacements et installations, l’ingénieur insiste sur ses craintes que l’avion ne soit abîmé par "les cahotements et les ballotements du transport".
Lettre de Clément Ader par Clément AderMusée des arts et métiers
"Je résolus de détruire tout"
"Mon Avion n°3, après les expériences de Satory fut abandonné par le Général Billot, Ministre de la Guerre. Désespéré et me voyant absolument seul dans ma détresse, je résolus de détruire tout."
"Cela fut mis à exécution par les écrasements et les incinérations : l’Eole disparut, tous les plans avec les modèles furent brûlés, l’Avion n°3 allait l’être, lorsque M. Mascart intervint et voulut le mettre aux Arts-et-Métiers (...). Cet Avion est donc incontestablement la propriété du Conservatoire National des Arts-et-Métiers."
Carte postale de l'avion n°3Musée des arts et métiers
L’Avion n°3 est exposé au Musée des arts et métiers à Paris à proximité du fardier à vapeur de Joseph Cugnot, autre monument de l’Histoire des transports.
Il s’inscrit dans une histoire du progrès technique marquée par l’abandon progressif des forces motrices naturelles et la recherche de solutions innovantes pour la motorisation, la sécurité, la vitesse et l’autonomie.
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Le chef d’œuvre technique de Clément Ader, qui a ouvert la voie à l’aventure aéronautique, est aujourd'hui exposé au Musée des arts et métiers à Paris.