Jules Verne décrit l’électricité comme « la
chaleur, la lumière, le mouvement, la vie en un mot ». Au XIXe siècle,
encore inconnue du grand public, cette énergie invisible doit faire appel à l'imaginaire
pour convaincre la société. A travers ses différentes représentations, la Fée
Électricité illustre l’idée de progrès et d’innovation.
Liberté, égalité, électricité !
Les premières allégories de l’électricité puisent leurs sources dans un répertoire existant : les panoplies d’objets, la statuaire classique et la symbolique républicaine et maçonnique de la lumière.
Frontispice de la revue "la Lumière électrique"Musée Electropolis
Vers 1880 l'électricité devient un produit de consommation. Mais comment représenter cette énergie nouvelle et surtout, invisible ?
La vapeur et l'électricitéMusée Electropolis
Ces statuettes allégoriques représentent la vapeur et l’électricité. Très classiques, elles semblent identiques ...
... car seuls leurs attributs (dynamo et machine à vapeur) distinguent les deux énergies.
Alléogories et emblèmes : la Fée ElectricitéMusée Electropolis
Cette "Fée Electricité" de 1882 est en fait une allégorie du télégraphe, l'application de l'électricité qui est alors la plus utilisée et la plus connue.
Allégorie de l'électricité, vers 1880Musée Electropolis
Les premières représentations de l'électricité tâtonnent. Ici cette gravure évoque plus un déguisement qu'une véritable personnification de l'électricité.
Allégorie de la lumière électriqueMusée Electropolis
Cette fée "lumière" est l'une des plus anciennes connues. Elle semble s'inspirer directement du poème "Stella" de Victor Hugo : l'étoile du matin au front annonce une aube nouvelle synonyme de progrès et de liberté.
Frontispice de la revue "la Lumière électrique"Musée Electropolis
La Fée Électricité est souvent représentée sous une forme néo-classique, pas toujours très explicite. Celle-ci est très analogue aux nombreuses femmes qui veillent sur la
Troisième République : Marianne, l'industrie, la science ...
La physique populaireMusée Electropolis
En 1881, cette allégorie entourée de câbles désordonnés témoigne du développement des premiers réseaux électriques...
... mais elle n'éclaire que l'Europe ! Fait-elle une relation entre l'électrification et "civilisation" ?
Frontispice de la revue "la Lumière électrique"Musée Electropolis
Le phare, l'une des premières utilisations de l'éclairage électrique, règne en maître sur cette allégorie. Il représente le progrès, comme le "phare du progrès" placé au centre de l'Exposition internationale d’Électricité de Paris en 1881.
Frontispice de la revue "la Lumière électrique"Musée Electropolis
Comme certaines Mariannes, la Fée Électricité porte souvent l'étoile du matin au front.
Le règne de l'électricitéMusée Electropolis
La statue de la Liberté, qui est en réalité aussi un phare électrique, apporte une lumière synonyme de progrès humain.
L'électricitéMusée Electropolis
Les expositions universelles célèbrent la Fée Électricité par de nombreuses œuvres allégoriques. Ces deux femmes exposées dans la Galerie des machines représentent le courant alternatif et le courant continu.
L'électricitéMusée Electropolis
De nombreuses statues et statuettes célèbrent à leur manière l'arrivée de la nouvelle énergie, comme ici à Douai en 1913.
Exposition universelle de 1900 : le Palais de l'électricitéMusée Electropolis
Fête et féerie électriques
Avant
1900, les lieux de spectacle sont souvent les premiers bâtiments électrifiés
d’une ville. Avec les grandes expositions universelles, ils associent
l’électricité aux idées de fête et de féerie. Ainsi se dessine un rêve
électrique.
Le mythe de la Fée culmine avec les "féeries" lumineuses lors des grandes expositions universelles, comme celle de 1900 avec ce palais dédié à l'électricité.
Le génie de l'électricitéMusée Electropolis
Au sommet de ce palais, régnant sur toute l'exposition, la Fée électricité tient entre ses mains deux électrodes produisant un arc électrique.
La Parisienne de ParisMusée Electropolis
Le triomphe de la Fée Électricité à l'Exposition universelle de 1900 est amplifié par ses très nombreuses représentations sur des gravures, des cartes postales, des objets dérivés, ou ici une partition.
Les Loëbert, danseurs électriques, fin du 19ème siècleMusée Electropolis
Les bijoux électriques portés par les ballerines de l'Opéra de Paris puis les spectacles de "danseurs électriques" contribuent aussi à enrichir le mythe de la "féerie".
Musée Grévin, palais des mirages, danses lumineusesMusée Electropolis
Dans le monde du spectacle, l'électricité offre plus de sécurité et de possibilités techniques que l'éclairage au gaz. Les metteurs en scène rendent vite donc hommage à la nouvelle énergie.
Loïe FullerMusée Electropolis
Les nouveaux effets scéniques rendus possibles par l'électricité sont utilisés à l'extrême dans les "danses serpentines" de la célèbre danseuse américaine, Loïe Fuller.
Critique et banalisation de l’électricité
Alors que, pour une partie du public, l’électricité peut aussi être inquiétante, la représentation de la Fée Électricité évolue avec son temps. Elle finit par disparaître au cours du premier XXe siècle alors que l’électricité s’est banalisée.
L'électricité, force motriceMusée Electropolis
Les représentations de l'électricité prennent parfois le ton ambigu de la science-fiction, comme cette statue décrite comme "la force latente, indifférente, prête au bien comme au mal".
L'électricité, la grande esclaveMusée Electropolis
L'illustrateur, Albert Robida, détourne l'iconographie traditionnelle de la Fée Électricité pour en faire une "grande esclave" assez inquiétante.
La reine de la nuitMusée Electropolis
L'électricité n'a pas le monopole des représentations symboliques. Ici la "reine de la nuit" représente le gaz et sa technique. Mais il n'existe pas de "Fée gazière"
The good Fairy ElectraMusée Electropolis
En 1930, cette représentation tardive illustre l'électrification rurale du Norfolk. En ville, l'électricité est déjà devenue banale.
"Je vous offre la santé, la gaîté, l'économie, le bien-être, je suis la Fée Electricité"Musée Electropolis
Après la Première Guerre mondiale, la Fée n’apporte plus seulement la lumière, mais aussi et avant tout une cascade d'appareils électroménagers.
Exposition internationale de la houille blanche et du tourisme, 1925Musée Electropolis
Ici la Fée électricité, devient l'énergie électrique de l'Isère. La lumière et les appareils électriques sont remplacés par une pluie de pièces d'or...
L'ingénieur Milory présente les fontaines lumineuses, vers 1937Musée Electropolis
Avec les fontaines lumineuses de l'Exposition internationale de 1937, la représentation de la Fée électricité a évolué en attraction. Le personnage a disparu, mais la féerie perdure.
Remerciements :
- à Damien Kuntz, responsable du service scientifique au Musée Electropolis
- au Pôle valorisation du patrimoine industriel du groupe EDF.