Baptismal register of the New Church at Delft 1624-1636, folio 119v Baptismal register of the New Church at Delft 1624-1636, folio 119v (1632-10-31)Mauritshuis
L'archiviste Bas van der Wulp se plonge dans les documents de la ville pour retracer l'histoire de Johannes Vermeer
Johannes Vermeer est né à Delft, où il a aussi travaillé, fondé une famille et est décédé. Nous ne savons cependant que relativement peu de choses sur le peintre, raison pour laquelle il est parfois surnommé le "sphinx de Delft". Toutefois, les archives de Delft permettent de lever le voile sur certains pans de sa vie. Bas van der Wulp, archiviste de la ville de Delft, se plonge dans des documents d'époque afin de retracer l'histoire de Johannes Vermeer.
Le peintre est-il né à Delft et y a-t-il grandi ?
Il semblerait que Johannes Vermeer ait vécu à Delft toute sa vie. Son père, Reynier Janszoon Vermeer, était tisseur de soie (caffa) dans une auberge du nom de "De Vliegende Vos" (Le renard volant) sur le canal Voldersgracht. En plus du métier de tisseur, il s'occupait également de l'auberge et faisait le commerce d'estampes et de tableaux. C'est dans ce monde tranquille, peuplé des clients de l'auberge et d'artistes, qu'est né Johannes Vermeer. Le registre paroissial de la nouvelle église de Delft indique que le baptême de "Joannis", né de Reynier Janszoon, son père, et de Dingnum Balthasars, sa mère, a eu lieu le 31 octobre 1632 (soit 12 ans après le baptême de sa sœur Geertruyt) en présence de Pieter Brammer, Jan Heijndricxzoon et Maertge Jans. Sur la même page du registre (celle du 4 novembre), on trouve trace du baptême d'un autre célèbre habitant de Delft, Thonis Philipszoon, plus connu sous le nom d'Antoni van Leeuwenhoek, le "père de la microbiologie".
Enregistrement du baptême de Vermeer, 1624-1636 (De la collection des archives de la ville de Delft)
Un mariage mouvementé
Si Johannes Vermeer a dû quitter Delft pour partir étudier la peinture, il y était de retour à 20 ans. À cette époque, il est tombé amoureux de Catharina Bolnes, qui partageait ses sentiments. Toutefois, un mariage n'allait pas de soi, car lui était calviniste, et elle catholique. Au XVIIe siècle, cette différence de religion constituait un obstacle non négligeable à leur amour. Pour compliquer encore un peu plus les choses, le clivage social entre le peintre et sa bien-aimée était considérable. En effet, le jeune artiste était issu d'une famille modeste, alors que sa future épouse provenait d'une famille aisée de Gouda. Il n'est donc pas surprenant que Maria Thins, la mère de Catharina Bolnes, n'a dans un premier temps pas donné sa bénédiction pour ce mariage. Toutefois, le soir du 4 avril 1653, Maria Thins a reçu la visite du notaire Johannes Ranck et de deux connaissances de Johannes Vermeer, venus la persuader de signer l'acte de consentement du mariage, ce qu'elle a de nouveau refusé de faire.
Registre of banns and marriages for the municipal court, 1650-1656 Registre of banns and marriages for the municipal court, 1650-1656 (1653-04-05)Mauritshuis
Enregistrement du mariage de Vermeer et de Catharina Bolnes, où la mère de la mariée désapprouva les termes, fut rayée puis réécrite, 1650-1656 (De la collection des archives de la ville de Delft)
Registre of banns and marriages for the municipal court, 1650-1656Mauritshuis
Détail de l'enregistrement du mariage de Vermeer et Catharina Bolnes, où la mère de la mariée désapprouva les termes et fut rayée, 1650-1656 (De la collection des archives de la ville de Delft)
Prospérité et statut social<?b>
Johannes Vermeer gagnait sa vie en peignant, mais aussi en faisant le commerce d'œuvres d'art, marchant ainsi dans les pas de son père. Même si le mariage du peintre ne lui a pas permis d'avoir directement à sa disposition de grosses sommes d'argent, il y avait plus facilement accès. Le 14 décembre 1655, cet argent lui a permis, ainsi qu'à son épouse, de rembourser une dette contractée par son père, décédé trois ans plus tôt, auprès de Johan van Santen, capitaine dans la milice néerlandaise. Le peintre était appelé "seigneur", signe évident de son statut social.
Le 30 novembre 1657, le couple Vermeer-Bolnes a emprunté 200 florins néerlandais à Pieter van Ruyven, un brasseur catholique aisé. L'implication de Catharina Bolnes dans ces transactions laisse penser que son mariage avec Johannes Vermeer ait fait l'objet d'un contrat prénuptial.
Après la mort de sa mère, le peintre a hérité de l'auberge familiale "Mechelen", située à Delft, dans laquelle il a vécu jusqu'à l'âge de neuf ans. Il a décidé de la louer à un chimiste, Johannes van der Meer, pour 180 florins néerlandais par an. Le contrat a été signé le 14 janvier 1672.
Files of notary Govert Rota, 1655, no. 257 Files of notary Govert Rota, 1655, no. 257 (1655-12-14)Mauritshuis
Déclaration de Vermeer et de son épouse pour tenir compte de la promesse de garantie que le père décédé de Vermeer avait aidé à obtenir un emprunt, 1655 (De la collection des archives de la ville de Delft)
De l'abondance à la pauvreté
L'année 1672 a été désastreuse et a préfiguré la chute du peintre. Johannes Vermeer vivait avec sa famille dans la maison de sa belle-mère à Oude Langendijk, près de Molenpoort. Cette famille vivait dans l'abondance, malgré les nombreux enfants du couple. Tout a néanmoins changé quand les Provinces-Unies ont été soudainement attaquées par les pays voisins. L'économie s'est effondrée, ce qui a été fatal à l'artiste. Alors qu'il n'enregistrait aucune rentrée d'argent, ses dépenses ne diminuaient pas. Les dettes ont alors commencé à s'accumuler.
Ruiné à l'heure de sa mort
L'artiste est tombé malade au cours de la deuxième semaine de décembre 1675 et est décédé moins de deux jours plus tard. À ce moment-là, huit de ses enfants vivaient toujours avec lui. Comme l'indique le registre des inhumations de la vieille église de Delft, son enterrement a eu lieu le 15 décembre. Sa belle-mère possédait sa propre crypte dans l'église, et plusieurs enfants décédés du peintre y étaient déjà enterrés.
Après sa mort, l'étendue de ses problèmes financiers est rapidement devenue évidente. Ne voyant aucun moyen de rembourser les dettes, et la ruine guettant, Catharina Bolnes a dressé un inventaire de la maison, relevant le contenu de chaque pièce. Aucun objet de luxe ne figure sur cet inventaire. Nombre de spécialistes pensent dès lors que les objets de valeur ont été légués à Maria Thins. Une veste de satin jaune bordée de fourrure blanche, référencée au bas de la page 2, est identique à celle qui apparaît sur plusieurs toiles du maître. Il se peut que l'inventaire répertorie d'autres vêtements qui figurent dans ses œuvres. Le contenu du salon, dont le matériel de peinture de Johannes Vermeer, est mentionné à la page 7. L'atelier du peintre se trouvait peut-être dans cette pièce.
Les créanciers perdant de plus en plus patience, des mesures ont dû être prises. Le 30 septembre 1676, le conseil municipal de Delft a désigné Antoni van Leeuwenhoek comme curateur des biens de Johannes Vermeer. C'est ainsi que les noms mondialement connus de deux habitants de Delft, un peintre et un microbiologiste, convergent au début de leur vie ainsi qu'à la mort du peintre.
Files of notary Johannes van Veen, 1674-1676, no. 132 Files of notary Johannes van Veen, 1674-1676, no. 132 (1676-02-29)Mauritshuis
Catherine Bolnes a fait l'inventaire de ses biens chez elle deux mois après la mort de Vermeer, Fichiers de Johannes Vermeer, 1674-1676 (De la collection des archives de la ville de Delft)
Files of notary Johannes van Veen, 1674-1676, no. 132Mauritshuis
Catherine Bolnes a fait l'inventaire de ses biens chez elle deux mois après la mort de Vermeer, Fichiers de Johannes Vermeer, 1674-1676 (De la collection des archives de la ville de Delft)
Un peintre oublié de tous redécouvert
Au XVIIIe siècle, l'œuvre de Johannes Vermeer est tombée dans l'oubli, même dans sa ville natale. Delft, la ville où il a vécu, travaillé et est enterré, ne possède aucun de ses tableaux. Par chance, des œuvres signées de sa main sont exposées à la Mauritshuis, dans la ville voisine de La Haye. Delft peut cependant trouver du réconfort dans la possession de documents d'archives authentiques portant sur la vie du peintre. La signature de Johannes Vermeer est également apposée sur plusieurs actes notariés conservés aux archives de la ville.
Register of people, buried in privately owned graves 1661-1686, Folio 29v (1675-12-16)Mauritshuis
Vermeer est déposé dans la tombe de sa belle-mère Maria Thins, registre des personnes enterrées dans des tombes privées, 1661-1686 (De la collection des archives de la ville de Delft)
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