Carte du Québec et Grosse Île (2023), Google EarthParcs Canada
Une île comme nulle autre
Le lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais est à moins de 50 km en aval de Québec, dans le fleuve Saint-Laurent. Pendant plus de 105 ans, l’île est la porte d’entrée de plus de 4 millions d’immigrants en route vers une vie nouvelle en Amérique du Nord.
Carte regionale de Grosse Île (2023), Google EarthParcs Canada
Des têtes de flèche, morceaux d’outils en poterie et traces de feux confirment une présence autochtone sur l’île depuis au moins les années 1200.
La région fait partie du territoire traditionnel de plusieurs Premières Nations, qui y pêchent et chassent durant leurs voyages sur le fleuve.
Vue de la station de quarantaine à la Grosse Île (1850), Henri DelattreParcs Canada
Les débuts
Le XIXe siècle est une période d’immigration intense dans ce territoire qu’est aujourd’hui le Canada. Québec devient la plaque tournante de l’immigration au pays et, en aval du port de la ville, la Grosse Île sert de station de quarantaine.
Une jeune femme qui est morte du choléra, dépeinte en bonne santé et quatre heures avant sa mort (1831?), unknownParcs Canada
Le choléra!
La station de quarantaine sur la Grosse Île est créée en 1832 pour freiner la propagation du choléra en Amérique du Nord. Devenue pandémie mondiale, cette maladie est une menace grave pour la santé publique… et une future passagère sur les navires en provenance d’Europe.
Le choléra est une infection bactérienne qui se propage par des aliments et de l’eau contaminés et provoque, à cause des vomissements et de la diarrhée, une déshydratation grave. Si l’infection n’est pas traitée, elle peut, en quelques heures seulement, causer la mort du malade.
Malheureusement, le processus de quarantaine censé empêcher la propagation du choléra en Amérique du Nord échoue et, à la fin de 1832, on compte plus de 3000 morts à Québec.
Vue intérieure du lazaret (2012), Parks CanadaParcs Canada
La tragédie de 1847
De 1845 à 1849, une grande famine sévit en Irlande. Seulement en 1847, 100 000 immigrants arrivent à la Grosse Île, soit près de quatre fois la moyenne annuelle. La grande majorité d’entre eux sont Irlandais.
D’abord conçu pour accueillir les immigrants en santé, le lazaret (le bâtiment en bois présenté sur la photo) est converti en un hôpital. Il s’agit de l’un des plus anciens bâtiments encore debout sur l’île.
Émigrants arrivant à Cork - La scène du quai (1851), "Illustrated London News", 10 mai, 1851, p.386Parcs Canada
Le typhus!
La famine a miné le système immunitaire de nombreux immigrants irlandais. Sur les navires-cercueils (surnommés ainsi à cause des nombreux malades et mourants à bord), le typhus, une infection bactérienne propagée par les poux, est la maladie la plus fréquente… et la plus mortelle.
Dr Frederic Montizambert (1869), William James TopleyParcs Canada
Modernisation
En 1866, un nouveau médecin, Frederick Montizambert, arrive à la Grosse Île. D’abord médecin-inspecteur, il est promu directeur médical en 1869, poste qu’il occupera pendant 30 ans. Il est à l’origine d’une modernisation majeure sur l’île.
Théorie germinale
Le Dr Montizambert est l’un des premiers à adopter la théorie germinale, une des plus importantes avancées médicales du XIXe siècle. L’idée que des micro-organismes comme les bactéries, invisibles à l’œil nu, puissent causer des maladies est un concept révolutionnaire à l’époque.
L’extrémité sud de l’édifice de désinfection peu après sa construction (1893), S. ou D.A. McLaughlinParcs Canada
Le Dr Montizambert fait bâtir des installations de quarantaine modernes et efficaces qui tiennent compte des progrès scientifiques et technologiques. Il établit des laboratoires médicaux et des procédures de désinfection, et s’assure que les malades sont isolés des personnes en santé pour éviter de les infecter.
Frederick Montizambert est reconnu comme un personnage d’importance historique nationale en raison de ses nombreuses contributions à la médecine et à la science. On peut voir aujourd’hui à la Grosse Île plusieurs des bâtiments et des machines construits sous sa direction.
La zone d'entrée des étuves de désinfection (extrémité sud) (1893), S. ou D.A. McLaughlinParcs Canada
Station de désinfection
Le bâtiment de désinfection ouvre en 1892. À l’étage inférieur, il y a des chambres à vapeur sèche (photo). Les bagages sont mis dans des boîtes grillagées, puis sur un wagon sur rail qui est poussé dans ces chambres. La vapeur sèche, une vapeur d’eau surchauffée, tue les pathogènes, comme le fait la pasteurisation.
https://parks.canada.ca/recollections
Les passagers sont désinfectés dans la salle des douches. À des fins d’intimité, chacune des 44 cabines est munie d’une porte et est surmontée d’un treillis métallique. L’eau qui sort de la pomme et des trois barres horizontales incurvées contient du bichlorure de mercure.
Le bichlorure de mercure est le principal désinfectant utilisé à la Grosse Île. Excellent pour tuer les micro-organismes, il est très toxique pour les humains, sauf en quantité minime. Il n’est pas très utilisé aujourd’hui, car il existe d’autres produits plus sûrs comme l’eau de Javel.
Deux serviteurs dans la salle à manger de l’hôtel de première classe (circa 1912), unknownParcs Canada
Hébergement en quarantaine
Après leur désinfection et celle de leurs bagages, les nouveaux arrivants sont envoyés à l’hôtel pour faire une quarantaine obligatoire. Il y a des hôtels de première, deuxième et troisième classes. Celui de première classe compte une salle à manger avec service aux tables complet (photo).
Trois vues du livre d’admission et de sortie de l’Hôpital de la Marine. (c.1878), unknownParcs Canada
Lire entre les lignes
Quelques registres médicaux reliés en cuir dans la collection de Parcs Canada nous donnent des renseignements sur les immigrants qui sont hospitalisés après 1878. Les registres d’admission et de sortie mentionnent leurs noms, âge, lieu d’origine et maladies.
Ces carnets précisent même à bord de quel navire le patient est arrivé, puis s’il a reçu son congé ou est mort sur l’île. Les patients viennent surtout de l’Angleterre, de l’Écosse et de l’Irlande, mais quelques-uns sont de la Norvège, de la Suède, du Portugal, de l’Allemagne et de l’Italie.
L’hôpital de la Marine (1893), S. ou D.A. McLaughlinParcs Canada
Nouvelle époque, nouvelles installations
Dans le cadre d’une stratégie visant à freiner la propagation des maladies, on construit l’hôpital de la Marine en 1881 dans le secteur est, loin des logements dans le secteur ouest qui sont réservés aux personnes en santé.
L’ambulance près de sa remise (ou hangar) à proximité de la boulangerie du village (1893), unknownParcs Canada
Faites place à l’ambulance!
Sur la photo, on voit l’ambulance qui transporte les malades à l’hôpital. Il s’agit d’un fourgon noir tiré par un cheval et muni d’une cloche actionnée par une pédale afin d’avertir le personnel médical. L’ambulance est aujourd’hui exposée à la Grosse Île.
Vue de l’intérieur de la salle rouge du lazaret (2022), Parks CanadaParcs Canada
Variole
Certains immigrants attrapent la variole. En 1904, une partie du lazaret est convertie en « chambre rouge ». La lumière du soleil étant pénible pour les variolés qui ont des pustules sur les paupières et le corps, les murs, couvertures et fenêtres sont rouges pour assombrir la pièce.
La variole est une infection virale qui se propage d’une personne à l’autre et cause une forte fièvre, des courbatures et une éruption douloureuse de plaies ouvertes dans la bouche et sur le corps. Première maladie contagieuse évitable par la vaccination, elle a été éradiquée mondialement en 1980.
Immigrants sur le navire "Numidian" quittent Liverpool, Angleterre (1902), unknownParcs Canada
Fermeture de la station
Pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918), l’immigration chute grandement. Au cours des années qui suivent, grâce à l’augmentation des inspections médicales et à la vaccination à l’étranger, les immigrants sont généralement en meilleure santé lorsqu’ils quittent leur pays.
En 1937, après 105 ans d’exploitation, la station de quarantaine ferme ses portes, et l’inspection des immigrants se fait dorénavant à Québec même.
Un visiteur regarde le Mémorial-des-Irlandais (2012), Parks CanadaParcs Canada
À la mémoire des disparus
De nos jours, on trouve sur l’île deux monuments commémoratifs et trois cimetières qui rappellent les milliers de personnes décédées à la station de quarantaine de la Grosse Île. Cette île est un symbole puissant de l’espoir et de la tragédie qui ont marqué la vie de nombreux immigrants.
Un interprète de Parcs Canada rencontre les visiteurs à l’hôtel de première classe. (2012), Parks CanadaParcs Canada
Visiter l’île aujourd’hui
Le lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais est ouvert de mai à octobre. Vous pouvez vous y rendre par bateau à partir de Berthier-sur-Mer, qui est à 45 minutes de Québec, ou par avion à partir de Montmagny, une localité voisine.
Plonger dans l’histoire
Pour poursuivre votre découverte de l’histoire du lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais, écoutez l’épisode intitulé La Grosse Île : L’île de la quarantaine du balado ReTrouver.
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