Étienne-Jules Marey

" Voir l'invisible et reculer les limites de nos sens"

Étienne-Jules Marey à sa table de travailLa Cinémathèque française

Marey, un chercheur polymorphe

Étienne-Jules Marey naît à Beaune en 1830. Médecin, physiologiste, biologiste, biomécanicien, professeur au Collège de France, premier réalisateur de films de l’histoire du cinéma en France, il est une figure majeure des sciences au XIXe siècle, à l'origine d'une multitude de découvertes (médecine, locomotion humaine et animale, aviation, éducation physique, physiologie, biomécanique, cinéma…)

Le cardiographe et le sphygmographe de MareyLa Cinémathèque française

Voir l'invisible et reculer les limites de nos sens

Toute sa vie, Marey poursuit un seul but : enregistrer tous les mouvements – des êtres humains, des animaux, des fluides, des objets animés, des êtres microscopiques… Pour cela, il met d’abord au point la "méthode graphique", qui consiste à retranscrire le mouvement à l’aide de graphiques.

Le sphygmographe deuxième version - La méthode graphiqueLa Cinémathèque française

Premier appareil

En 1859, Marey soutient une thèse de médecine, magistrale, et conçoit son premier appareil. Inspiré d’un système allemand : le "sphygmographe" enregistre les battements du pouls et renouvelle les théories sur la circulation sanguine. Les machines "exploratrices du mouvement" qu’il fabrique par la suite (cardiographe, pneumographe, myographe, polygraphe, etc.), vont permettre de grandes avancées dans le domaine de la médecine et de la physiologie.

La trajectoire de l'aile de l'insecte - dessin au fusain par Étienne-Jules MareyLa Cinémathèque française

Des hommes et des animaux

Marey progresse vite dans l’étude de la marche de l’homme, du vol de l’oiseau, de la locomotion du cheval, et multiplie les découvertes importantes. Au début des années 1860, il applique sa méthode graphique à l'insecte, dont le mouvement est l'un des plus difficiles à comprendre.

Aéroplane (fin des années 1870)La Cinémathèque française

Pionnier de l'aviation

Pour l’étude du vol de l’oiseau, Marey met au point toute une batterie d'appareils capables d'enregistrer le moindre mouvement de l'animal, et aussi sa respiration, son effort musculaire. Ses recherches vont offrir une base solide aux premiers théoriciens de l’aviation, et dès 1879, un aéroplane parvient à s'élever de quelques mètres dans les airs.

Le Cheval au galop - E. Muybridge par Eadweard MuybridgeLa Cinémathèque française

Muybridge et la course du cheval

En 1873, Marey établit que le cheval au galop se trouve, pendant une fraction de temps, les quatre membres au-dessus du sol, mais aussi qu’il repose à un certain moment sur un seul membre antérieur. Cette observation persuade l’Américain Leland Stanford et son photographe anglais Eadweard Muybridge de reprendre leurs essais sur les clichés instantanés du cheval en mouvement.

La caméra chronophotographe à disque de verre (1887) par Étienne-Jules MareyLa Cinémathèque française

Fusil photographie et caméra chronophotographique

Les travaux de Muybridge – les célèbres photos successives du cheval au galop, réalisées en 1878 – décident Marey à recourir lui aussi à la photographie. En 1882, il met au point le fusil photographique, qui peut réaliser douze clichés par seconde. Puis il conçoit une caméra à plaque de verre beaucoup plus performante, et obtient ainsi des clichés merveilleusement nets et précis de l’homme qui marche ou de sa trajectoire, son "squelette". La méthode "chronophotographique" est née.

Course vive - Chronophotographie sur plaque de verre par Étienne-Jules MareyLa Cinémathèque française

Des clichés scientifiques et artistiques

Ses chronophotographies constituent une véritable révolution dans l’imagerie scientifique et l’histoire des formes esthétiques, annonçant l’art moderne, l’abstraction, le futurisme et l’art cinétique du XXe siècle. Marcel Duchamp, notamment, a reconnu s’être largement inspiré des chronophotographies de Marey pour le tableau qui a bouleversé l’art moderne : Nu descendant un escalier (1912).

Nu descendant un escalier - Marcel Duchamp, 1912 (conservé au Philadelphia Museum of Art), Marcel Duchamp, Provenant de la collection : La Cinémathèque française
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Les "clichés géométriques" de Marey par Étienne-Jules MareyLa Cinémathèque française

De Marey à James Cameron

Pour certains clichés, Marey habille son sujet d’un costume noir équipé de lignes et points brillants aux articulations. La caméra ne retient que la trajectoire brillante de ces points en mouvement. Les "clichés géométriques" ainsi obtenus lui permettent de dessiner des épures magnifiques. Cette technique est l’ancêtre de la "Motion Capture" mais aussi de la "Performance Capture", rendue célèbre par le film Avatar de James Cameron.

Le Vol du héron par Étienne-Jules MareyLa Cinémathèque française

Le film celluloïd

Durant l’été 1889, Marey réalise ses premiers films sur celluloïd, la nouvelle pellicule transparente fabriquée aux États-Unis par George Eastman pour Kodak. Dans la caméra de Marey, un "cadre presseur" immobilise périodiquement la pellicule au foyer de l’objectif au moment où l’obturateur est ouvert. Toutes les caméras cinématographiques à pellicule fonctionnent toujours sur le principe appliqué par Marey.

La Station physiologique - vue d'ensembleLa Cinémathèque française

La Station physiologique

En 1882, Marey se voit octroyer un laboratoire de recherche, subventionné par l’État et la ville de Paris : la "Station physiologique", sise au bois de Boulogne. Elle est équipée d’une piste circulaire où les sujets à chronophotographier peuvent circuler, et d’un hangar à fond noir qui sert à isoler leur image lors de la prise de vues. La caméra est installée dans une petite cabane en bois, mobile, placée sur rails ; elle recule et avance ainsi facilement, comme pour un travelling, de façon à varier le cadre et la profondeur de champ.

Prise de vues à NaplesLa Cinémathèque française

Un bestiaire digne de Buffon

C’est là et dans un autre studio installé dans sa villa de Naples que Marey, assisté par son très habile préparateur, Georges Demenÿ, va réaliser environ 800 films sur celluloïd à partir de 1889. Les deux chercheurs constituent une véritable encyclopédie filmique, un vaste projet scientifique et artistique qui explore, grâce à la chronophotographie, les "différents genres de locomotion chez les animaux" : mammifères, volatiles, poissons, organismes microscopiques, mollusques, insectes, reptiles, etc.

La course de l'hommeLa Cinémathèque française

Des travaux utiles pour la science et les arts

Le travail chronophotographique de Marey et Demenÿ sur l’économie des forces dans le travail et la répartition des charges pendant la marche du soldat, justifie les crédits alloués par le ministère de la Guerre. On désire connaître aussi les gestes accomplis par le tireur de corde, le coupeur de bois, le forgeron, le peintre en bâtiment, etc., de façon à les aider dans leur travail. En outre, ces études intéressent directement les artistes : Marey et Demenÿ publient, en 1893, les "Études de physiologie artistique", qui s’adressent non plus aux seuls scientifiques, mais également aux peintres, graveurs et sculpteurs. Marey opère ici un rapprochement essentiel entre la physiologie et l’art.

PhonoscopeLa Cinémathèque française

Le Mouvement

En 1894, Marey publie son maître-livre, "Le Mouvement", qui fait la synthèse de toutes ses recherches. Dans ce livre, il annonce que son préparateur, Georges Demenÿ, a trouvé la solution de la projection chronophotographique avec son "phonoscope", qui sera commercialisé en 1895 par Léon Gaumont.

La Chute du chat par Étienne-Jules MareyLa Cinémathèque française

La chute du chat

Certains des films de Marey ont fait sensation à leur époque. La chute du chat, par exemple, en 1894. Marey vérifie ainsi le dicton populaire affirmant que le chat retombe toujours sur ses pattes. C’est en fait grâce à l’inertie de sa propre masse que le chat peut y parvenir.

Étude aérodynamique - Machine à fumée avec obstacle par Étienne-Jules MareyLa Cinémathèque française

Dernières recherches

Pour des études d’aérodynamique, Marey fabrique en 1899 une soufflerie et réalise des clichés instantanés représentant des filets de fumée rencontrant divers obstacles géométriques. Traits blancs onduleux sur fond noir, butant ou s’enroulant autour de prismes, cercles, angles... Marey opère ainsi une sorte de retour – enrichi – à ses racines, et boucle en beauté plus de cinquante années de recherches autour du graphique et de son monde énigmatique en noir et blanc. Le savant décède en 1904.

Étienne-Jules MareyLa Cinémathèque française

Marey secret

En 1963, la Cinémathèque française organise la première exposition sur l’œuvre de Marey. "Rien n’est plus secret, rien n’est plus lyrique, rien n’est plus explosif, rien n’est plus actuel que le silence de ses noirs et la légèreté de ses blancs", écrit Henri Langlois, fondateur de la Cinémathèque française.

Le cinématographe lumière par Louis LumièreLa Cinémathèque française

L'héritage

En raison de leur beauté, de leur mystère, les images mareysiennes captivent aujourd’hui encore le grand public et les scientifiques. Les études, les dessins, les graphiques, les photographies et les films que Marey nous a laissés en grand nombre, sont de magnifiques œuvres d’art, des créations d’égale valeur scientifique et esthétique. Ses recherches ont engendré, à partir de 1894 avec le Kinétoscope Edison et de 1895 avec le Cinématographe Lumière, l'industrie du Septième art et le spectacle cinématographique. Les frères Lumière, dès 1895, rendront hommage au travail précurseur de Marey.

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