Une vie empreinte de musique

« L’artiste est la main qui, par l’usage convenable de telle ou telle touche, met l’âme humaine en vibration »

Vassily Kandinsky et un ami jouant du violoncelle et du piano (c. 1886), AnonymeCentre Pompidou

La musique est une source de réflexion privilégiée pour Kandinsky : elle permet de concevoir un renouvellement des formes qui l’inspirera toute sa vie.     

Pour la haute bourgeoisie moscovite cultivée, la musique fait naturellement partie de l’éducation. Kandinsky étudie le piano et le violoncelle et ses deux parents jouent eux-mêmes d’un instrument.  

Dès 1908, Kandinsky développe des idées autour de la musique et du théâtre et réalise des « compositions scéniques » qui sortent du cadre de la peinture de chevalet.   

Le Grand théâtre (le Bolchoï) à Moscou (c. 1900), Daziaro, J.Centre Pompidou

 Admirateur de Wagner après avoir assisté à une représentation de Lohengrin, en 1896, au théâtre Bolchoï, Kandinsky envisage un nouvel art de la scène dans lequel se combineraient les mouvements musicaux, picturaux et physiques dans un tissu d’harmonie et de dissonance.   

Schéma d'orchestration de la couleur, du mouvement et du son pour "Géants", établi en russe (c.1909), Von Hartman, ThomasCentre Pompidou

Sonorité jaune, une composition scénique pour un opéra en un acte conçu avec le compositeur Thomas von Hartmann est une œuvre tout en couleur et lumière. 

Page de l'Almanach du Blaue Reiter par Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

« Chaque art a son langage propre, c’est-à-dire des moyens qui n’appartiennent qu’à lui, mais les moyens sont identiques puisqu’ils travaillent au même but : affirmer l’âme humaine à travers un processus spirituel indéfinissable, et pourtant déterminé (vibration) » écrit Kandinsky au chapitre « De la composition scénique » dans L’Almanach du Cavalier bleu.  

Composition scénique IV - Figure noire (c. 1808), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

Kandinsky renouvelle « l’art total » cher à Wagner à travers une pensée dynamique des relations entre les pratiques artistiques.    

Bild XVI. Das Grosse Tor Von Kiew (Tableau XVI. La grande Porte de Kiev), dessin préparatoire pour la mise en scène de Tableaux d'une exposition de Modeste Moussorgski (1928), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

C’est sur la scène du Fiedrich - Theater de Dessau que Kandinsky développe ses recherches expérimentales. Le Bauhaus est un terrain propice aux investigations nouvelles.  

"Bilder einer Ausstellung, Tableaux d'une exposition", partition de Modest Moussorgsky avec annotations et schémas de Félix Klee (1928)Centre Pompidou

Kandinsky met en scène Tableaux d’une exposition : une série de dix pièces pour piano créée par le compositeur russe Moussorgski d’après l’exposition des dessins de Viktor Hartmann qu’il a visitée à Saint-Pétersbourg.  

Etude pour Impression III (Konzert) (1911), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

Le 2 janvier 1911, Marc et Kandinsky assistent, avec d’autres membres du NKVM, à un concert d’Arnold Schönberg.  

Impression III (Concert) (1911), Wassily KandinskyStädtische Galerie im Lenbachhaus and Kunstbau

Bouleversé, Kandinsky commence dès le lendemain à réaliser les premières esquisses de ce qui deviendra l’un de ses plus beaux tableaux, le célèbre Impression III (Konzert), œuvre - manifeste sur l’émancipation de la couleur et la correspondance de celle-ci avec les sonorités.   

La composition de la toile est agencée selon des principes utilisés en musique : variation sur un thème, reprise en canon, rythmes croissants et décroissants.  

Avec sa vague jaune évoquant une émanation vibrante d’une tonalité aiguë, elle constitue un exemple magistral de la représentation de la synesthésie : la visualisation chromatique d’un phénomène acoustique.

Über Das Geistige in der Kunst (Du Spirituel dans l'Art) Über Das Geistige in der Kunst (Du Spirituel dans l'Art) (1912), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

Ce don de synesthésie est probablement à l’origine des théories picturales que Kandinsky a rassemblées dans son livre Du Spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier, publié fin 1911 chez Piper.  

Impression V (Parc) (1911), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

Dans ce traité, le peintre énonce par rapport au jaune qu’il « énerve l’homme, le pique, l’excite » ; il l’associe aux tons plus clairs qui correspondent au son d’« une trompette, jouée dans les aigus, et de plus en plus fort » ou au « son éclatant d’une fanfare ».   

Dans le plus célèbre passage du traité, Kandinsky explique le fonctionnement global de sa théorie picturale.

Über Das Geistige in der Kunst (Du Spirituel dans l'Art) Über Das Geistige in der Kunst (Du Spirituel dans l'Art) (1912), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

« En règle générale, la couleur est donc un moyen d’exercer une influence directe sur l’âme. La couleur est la touche. L’œil est le marteau. L’âme est le piano aux cordes nombreuses. L’artiste est la main qui, par l’usage convenable de telle ou telle touche, met l’âme humaine en vibration. Il est donc clair que l’harmonie des couleurs doit reposer uniquement sur le principe de l’entrée en contact efficace avec l’âme humaine. Cette base sera définie comme le principe de la nécessité intérieure. »

Vassily Kandinsky et Arnold Schönberg dans un jardin à Pörtschach Vassily Kandinsky et Arnold Schönberg dans un jardin à Pörtschach (1927), AnonymeCentre Pompidou

Impressionné par les innovations audacieuses sur l’atonalité, Kandinsky entame un riche échange épistolaire avec le compositeur viennois sur la correspondance entre les dissonances en musique et en peinture.   

Vassily, Nina Kandinsky, Arnold Schönberg et son épouse à Pörtschach Vassily, Nina Kandinsky, Arnold Schönberg et son épouse à Pörtschach (1927), AnonymeCentre Pompidou

Dans sa première lettre au compositeur, le 18 janvier 1911, Kandinsky écrit : 


« Le destin spécifique, le cheminement autonome, la vie propre enfin des voix individuelles dans vos compositions sont justement ce que moi aussi je recherche sous une forme picturale ». 

Selon Kandinsky, la peinture devrait rattraper son retard sur la musique, art abstrait par essence. De cette première lettre naît alors une amitié entre les deux hommes qui dure jusqu’à ce que la guerre les éloigne en 1914. Parallèlement, Kandinsky se met à traduire Schönberg, pour une publication en Russie.  

Première exposition "Le Cavalier Bleu" [Der Blaue Reiter] à la Galerie Thannhauser à Munich (18 décembre 1911 au 1er janvier 1912) (1911), Münter, GabrieleCentre Pompidou

Schönberg apprend lui-même à Kandinsky qu’il pratique également la peinture. Bien que son approche constructive diffère de l’art coloré et visionnaire de Kandinsky, ce dernier engagé pour la dissonance dans l’art sollicite sa participation lors de la célèbre exposition de la rédaction du Cavalier bleu qui se tient à la galerie Thannhauser à partir du 18 décembre 1911.   

Paul Klee et Vassily Kandinsky dans le parc du Bauhaus à Dessau (c. 1926), AnonymeCentre Pompidou

A Munich, Kandinsky se lie également d’amitié avec le peintre Paul Klee qui lui reste cher toute sa vie.  

Paul Klee qui a noté dans son Journal : « Il n’y a qu’avec la musique que j’ai toujours été en bons termes » est aussi musicien et marié à une pianiste.  











Accord réciproque (1942), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

Les titres de ses œuvres sont éloquents : Fugue, Composition qui sont aussi des titres d’oeuvres de Kandinsky, Polyphonie, Rythme, Accord, Ton ou encore L’Ordre du contre-ut.  

Toujours dans son Journal, Klee parle de « la peinture polyphonique qui surpasse la musique dans la mesure où le temporel y est davantage spatial ».  

Vassily Kandinsky et Paul Klee sur la terrasse de la maison des maîtres à Dessau (c. 1930), AnonymeCentre Pompidou

Les échanges de pensée entre Klee et Kandinsky sont particulièrement intenses à Munich à travers l'aventure du Cavalier bleu et au Bauhaus de Dessau où ils sont voisins.  

 Tous deux sont en quête d’éléments formels, tels que le tracé de ligne ou l’organisation rythmique des éléments picturaux que la musique peut offrir à la peinture.

KN der Schmied (KN le forgeron) (1922), Klee, PaulCentre Pompidou

Ils bouleversent ainsi les arts du XXe siècle en recherchant la relation que les arts entretiennent entre eux et en reliant musique et peinture dans leurs pratiques.

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Dans l’intimité de Kandinsky
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