Le folklore russe chez Kandinsky

À travers des estampes et tempera, le folklore russe vit dans les tableaux de Kandinsky, accompagnant son imaginaire même hors de la Russie

« Chaque œuvre naît, du point de vue technique, exactement comme naquit le
cosmos… Par des catastrophes qui, à partir des grondements chaotiques des
instruments, finissent par faire une symphonie que l’on nomme musique des
sphères. La création d’une œuvre, c’est la création du monde ». 

(Regards sur le passé).

Altrussisches (Vieille Russie) (recto) - Vieillard Barbu (verso) Altrussisches (Vieille Russie) (1904), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

[Scène russe, Dimanche (Vieille Russie)], 1903 - 1904 

Tempera sur carton
23 x 54,7 cm 
Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris 
Legs Nina Kandinsky, 1981

Kandinsky, passera la majorité de sa vie à l’étranger. Pourtant, il n’oubliera jamais sa ville natale. 
Moscou est aussi une ville d’émerveillement par ses couleurs chatoyantes et contrastées :

« Le soleil fait fondre tout Moscou en une tâche unique qui fait vibrer l’âme et l’être intérieur. […] Des maisons et des églises roses, mauves, jaunes, blanches, vert-pistache, rouge-feu, le gazon follement vert, les arbres au bourdonnement plus profond, ou la neige chantant de ses mille voix, l’allegretto des branches nues, l’anneau rouge, rigide et silencieux des murs de Kremlin, enfin, se dressant au-dessus de tout cela comme un cri de triomphe et s’oubliant comme l’Alléluia, le long trait blanc et les graves ornements de clocher d’Ivan Veliky.

Peindre cet instant m’apparaissait comme le bonheur le plus impossible et le plus sublime qu’un peintre puisse connaître. » (Regards sur le passé).

Scène russe n’essaie pas d’imiter la réalité de la vie à Moscou. Comme pour d’autres œuvres, il s’agit d’une transposition de scène folklorique mélangée à la magie colorée des légendes et des contes.

Lied (Chanson) (1906), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

Lied [Chanson], 1906     

Tempera sur carton glacé
49 × 66 cm 
Centre Pompidou, Musée national d’art moderne 
Legs de Mme Nina Kandinsky, 1981

C’est dans la russophilie parisienne marquée par les expositions d’art organisées par Serge Diaghilev comme par le succès de ses Ballets russes que Chanson est réalisée en 1906 à Sèvres.

Lors de son séjour en France, Kandinsky revient avec force à la peinture à la tempera sur papier foncé, technique adoptée en 1901 dans l’atelier de Franz von Stuck, pour exalter le folklore de la vieille Russie.

Également connue sous le nom de Chant de la Volga et exposée au Salon des indépendants en 1907, l’œuvre Chanson montre à quel point aussi bien le symbolisme et l’art populaire russes que le Jugendstil allemand ont marqué les débuts de Kandinsky.

En résulte une iconographie syncrétiste où les bateliers en costumes russes s’embarquent dans les drakkars vikings ornés d’icônes orthodoxes devant un lointain arrière-plan évoquant une ville orientale autour d’une mosquée. 

Plus qu’un récit historique, Kandinsky cherche ici à rendre une atmosphère générale imprégnée d’un certain mystère: les personnages ne sont pas représentés dans leur individualité, mais dans une dynamique de groupe donnant le prétexte à une profusion de taches et de traits colorés dans une tonalité féerique.

Les couleurs sont pures, travaillées en mosaïques, isolées par des contours noirs créés par le fond laissé partiellement apparent.

Le caractère révolu de ce passé lointain permet à Kandinsky de rester proche de la tradition tout en étant novateur sur le plan artistique. En se détachant des modèles réalistes pour accentuer l’autonomie de la couleur, l’artiste convoque avec lyrisme l’imaginaire d’une Russie oubliée qu’il a pu découvrir en jeune ethnologue du droit paysan, lorsqu’il parcourait les provinces russes.

Dans Regards sur le passé, il évoque ainsi son voyage d’études en Vologda: 

« Je n’oublierai jamais les grandes maisons de bois couvertes de sculptures. […] Elles m’apprirent à me mouvoir au sein même du tableau, à vivre dans le tableau.

Je me souviens encore qu’entrant pour la première fois dans la salle, je restais figé sur place devant un tableau aussi inattendu. La table, les coffres, le grand poêle, qui tiennent une place importante dans la maison du paysan russe, les armoires, chaque objet, étaient peints d’ornements bariolés étalés à grands traits.

Sur les murs, des images populaires, les représentations symboliques d’un héros, une bataille, l’illustration d’un chant populaire. […] Lorsqu’enfin j’entrai dans la pièce, je me sentis environné de tous côtés par la peinture dans laquelle j’avais pénétré. […]

C’est à travers ces impressions vraisemblablement, et non autrement, que prit corps en moi ce que je souhaitais, le but que je fixai pour mon art personnel ».

Die Nacht, grande version (La Nuit) Die Nacht, grande version (La Nuit) (1903), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

L’ensemble de peintures réalisé entre 1902 et 1907, que Kandinsky nomme des "dessins colorés" est empreint de nostalgie.

Ils évoquent le passé lointain où se côtoient des figures de la vieille Russie, de la vieille Allemagne où encore de l’époque Biedermeier.

Le folklore, tel qu’il s’est constitué à l’époque médiévale, y est transfiguré par une figuration naïve, hommage à l’imagerie populaire et à la tradition et par l’usage d’une palette très bariolée.

Tunis, Küstenlandschaft II (Tunis, paysage côtier II) (1905), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

Pendant ces années nomades à travers l’Europe et l’Afrique du Nord, jusqu’en 1908, la dichotomie de la production de Kandinsky continue à être manifeste.

Il réalise un nombre important de petites études à l’huile, exécutées en plein air au couteau à palette dans une veine postimpressionniste, tout en continuant à peindre ce qu’il appelle ses « dessins colorés » : des scènes polychromes sur un fond noir réalisées dans un style pointilliste à la tempera qui semblent tout droit issues de contes et légendes russes.

Leier (La lyre) Leier (La lyre) (1907), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

Entre la Russie et l'Allemagne, intégré dans les milieux d'avant-garde des deux pays, Kandinsky se nourrit des deux traditions autant qu'il les relie entre elles. 

Schalmei (Pipeau) Schalmei (Pipeau) (1907), Kandinsky, VassilyCentre Pompidou

Le folklore, la peinture traditionnelle et surtout la ville Moscou, qui est pour lui l'origine de l'âme russe, vont profondément marquer son œuvre.

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