"Le baiser" revisité

Des artistes contemporains revisitent "Le baiser" à travers la réalité virtuelle et d'autres moyens

Conception : Google Arts & Culture

The Kiss (1908-1909), Gustav KlimtBelvedere

Connu pour son utilisation de feuilles d'or et d'argent dans ses peintures, Gustav Klimt savait employer des matériaux de manière innovante. 

À l'instar de nombreuses autres œuvres célèbres de l'artiste, "Le baiser" adopte une perspective qui oscille entre des motifs plats à deux dimensions…

… et des visages tridimensionnels peints de manière plus "classique". Cette démarche artistique audacieuse a ouvert la voie au cubisme et à l'expressionnisme abstrait. 

Gustav Klimt était un pionnier à plusieurs égards. S'il réalisait ses œuvres emblématiques aujourd'hui, s'y prendrait-il autrement ? 

The Kiss par Estella Tse

Qu'aurait-il pensé de la relation entre l'art et la technologie ? L'artiste de réalité virtuelle (RV) Estella Tse nous pose justement cette question avec sa version en RV du "Baiser", qui fait se rencontrer l'imagerie somptueuse de Gustav Klimt et les technologies les plus avancées.

"J'aime suivre de près les innovations et marier ma passion pour l'art à celle pour les technologies. J'ai suivi une formation en conception visuelle pour l'industrie du divertissement et en développement Web UI/frontal. En 2015, je cherchais une nouvelle façon de raconter des histoires", explique-t-elle.

"La nature intrinsèque de la RV, qui ajoute littéralement une nouvelle dimension à la peinture, ouvre la voie à un nouveau médium artistique où la profondeur et l'espace physique sont des composantes essentielles. Peindre en réalité virtuelle, c'est comme sculpter avec des coups de pinceau."

The Kiss par Estella Tse

Gustav Klimt accordait une grande importance à l'aspect interdimensionnel de ses œuvres. On peut donc raisonnablement supposer qu'il serait très intéressé par cette application de sa vision artistique. 

Dans ses innovations, Estella Tse reconnaît être assise sur les épaules de géants. "En tant que peintre, c'est en étudiant les grands maîtres que l'on apprend le plus", confie-t-elle. 

Woojin Choi The Kiss

Les artistes contemporains n'hésitent pas à revisiter et à adapter les œuvres de leurs prédécesseurs. Woojin Choi est un tatoueur de renom, qui a créé récemment sa propre version du "Baiser" à l'aide de son aiguille. La photo de son ouvrage s'est propagée rapidement sur Internet, et son travail est devenu très populaire sur Instagram.

Le côté tactile de l'œuvre originale de Gustav Klimt et l'intimité physique des personnages se prêtent naturellement à une interprétation à l'encre.

Si les tatouages sont connus pour être indélébiles, ils ne sont pas plus permanents que le corps qui les porte. À l'instar du tableau de Gustav Klimt, réalisé au moment où le XXe siècle entrait dans une nouvelle ère moderne, le tatouage est à la fois intemporel et un rappel du temps qui passe : un monument immortel et un memento mori.

"Tatouer était un de mes passe-temps à l'université", raconte Woojin Choi. Son médium artistique est caractérisé par "la rareté des matériaux" et sa palette monochrome. S'il s'est tourné vers le tableau de Gustav Klimt, "c'est parce que le dessin original est très beau".

Tout comme Estella Tse, Woojin Choi est attiré par cette œuvre aussi bien pour sa notoriété et la maîtrise dont elle témoigne, que pour son côté modulable et contemporain. Pour lui, l'œuvre "peut être transformée en bien d'autres formes".

The Kiss par Estella Tse

Estella Tse aborde elle aussi la question de l'adaptation de l'œuvre originale. "Lorsque je peignais le couple, en intégrant une troisième dimension, j'ai eu l'impression que la figure masculine dominait celle de la femme de manière trop affirmée, voire menaçante.

J'ai dû apporter quelques retouches à la composition pour dissiper tout soupçon d'agressivité. J'ai adouci un peu plus les bords et placé la femme plus au premier plan pour qu'elle ne soit pas complètement écrasée par l'emprise de l'homme."

Gustave Klimt's The Kiss,(Freedom Graffitti) (2013), Tammam AzzamAtassi Foundation for Art and Culture

Revisitée, l'œuvre de Gustav Klimt peut transcender de nombreuses frontières. Tammam Azzam est un artiste syrien qui, à travers ses œuvres, porte un regard pénétrant sur le conflit actuel qui sévit dans son pays, et s'interroge sur ses conséquences au niveau local et mondial.

Récemment, son œuvre numérique, qui présente une version du "Baiser" modifiée sur Photoshop pour figurer sur le mur d'un bâtiment syrien bombardé, est devenue virale sur Internet. "J'ai toujours admiré Gustav Klimt, dont j'ai découvert la vie et les œuvres quand j'étais étudiant", explique-t-il.

"J'ai ressenti une connexion émotionnelle avec ses tableaux. Son jeu de couleurs vives et de contrastes est percutant et m'a aidé à transmettre l'idée que j'avais en tête."

"Le contraste saisissant entre 'Le baiser', qui représente l'amour et la vie…  

… et le bâtiment bombardé, qui montre ce qu'il y a de plus laid dans l'humanité, était un moyen efficace de mettre en lumière non seulement les anciens habitants de l'édifice, mais aussi la situation en Syrie." 

"L'œuvre de Klimt est une expression d'amour et une affirmation de la vie. Elle symbolise pour moi la vitalité et la beauté des personnes qui vivaient dans ce bâtiment."

Calligrapher Seb Lester

Les motifs complexes que Gustav Klimt traçait sur la surface de ses tableaux et son jeu de dimensions ont inspiré le calligraphe contemporain Seb Lester, qui a créé un lettrage dans le style fin de siècle pour son projet Instagram en cours. 

Faites défiler la page pour voir le stylo de Seb Lester en action.

Seb Lester x Klimt 1

Seb Lester x Klimt 2

Gustav Klimt (c. 1910), Moriz NährAustrian National Library

Comment Gustav Klimt aurait-il réagi en découvrant les œuvres de ces jeunes artistes, inspirées de ses propres créations ? 

Pour Tammam Azzam, "il est difficile d'imaginer sa réaction. J'espère qu'il apprécierait la façon dont son œuvre a été utilisée. Mais je suis sûr qu'il ne se réjouirait pas de la situation du monde actuel."

Gustav Klimt (1917), Moriz NährAustrian National Library

"Je ne sais pas !" répond Estella Tse. "Loin de moi l'idée de me comparer aux grands maîtres. Je ne saurais imaginer ce qu'il dirait, mais je suis certaine que, s'il disposait de la technologie de RV, il créerait des mondes au-delà de l'imaginaire contemporain."

Pour en apprendre davantage sur l'influence de Gustav Klimt, revenez à la page d'accueil du projet.

Crédits : tous les supports
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