Sakata Kaidomaru (万延元年9月改印 1860 松嶋彫政), Utagawa YoshitsuyaKeio University Library
Au moment de l'émergence des mangas japonais, une série de personnages, tant réels que fictifs, ont été représentés sur de très grands dessins. Un grand nombre de ces protagonistes se retrouvent sur les triptyques d'estampes en couleurs nishiki-e de Utagawa Yoshitsuya.
Kintaro (Sakata Kaidomaru)
Kintaro est l'un des personnages préférés des Japonais, quels que soient leur genre, leur âge, le lieu ou l'époque, qu'il soit immortalisé dans une comptine commençant par "Masakari katsuide" (avec une hache de guerre sur l'épaule) ou utilisé dans des publicités télévisuelles contemporaines. Kintaro serait le nom porté par Kintoki Sakata lorsqu'il était enfant. La légende raconte qu'il était l'un des shitenno (quatre rois-gardiens) de Minamoto no Yorimitsu, au milieu de l'ère Heisei. Il a été élevé dans les montagnes par une yama-uba (sorcière des montagnes). Il figure dans de nombreuses œuvres aussi en tant que "Kintoki" et "Kaidomaru". Il y brandit une grande hache de guerre, est accompagné d'animaux et possède un corps vermillon d'une force herculéenne. Sur cette estampe en couleurs nishiki-e de Utagawa Yoshitsuya, il est représenté en tant que Sakata Kaidomaru. Il joue sans complexe au kotoro kotoro avec des animaux et des lutins yokai, sous l'œil attentif de la yama-uba.
Kintaro (Sakata no Kintoki)
Sur cette estampe en couleurs nishiki-e de Utagawa Kunihisa, Kintaro se livre à une épreuve de force avec Arataro Usui (Sadamitsu Usui), qui porte des habits de bûcheron. Pour récompenser Kintaro de son exploit, Minamoto no Yorimitsu fait de lui l'un de ses shitenno (quatre rois-gardiens). Kintaro est à nouveau représenté avec un corps vermillon. Minamoto no Yorimitsu, Watanabe no Tsuna, Urabe no Suetake et Hirai no Yasumasa figurent dans le cadre de droite. Dans le cadre de gauche, on peut voir un singe, un lapin, une hache de guerre et la yama-uba. Le mont Fuji se dessine à l'arrière-plan, comme sur l'estampe nishiki-e de Utagawa Yoshitsuya. "Yorimitsu rencontrant Kintoki au mont Ashigarayama", autre estampe nishiki-e de Utagawa Yoshitsuya, dépeint également cette épreuve de force avec Usui Sadamitsu.
Kintaro et Raijin (dieu du tonnerre)
Kintaro apparaît dans l'œuvre "Wakan goki-zoroi" (Bravoure en Chine et au Japon) de Tsukioka Yoshitoshi. Cette scène est une composition grand format captivante où Kintaro maîtrise Raijin en le tenant par les cornes. Les représentations de Kintaro qui capture le dieu du tonnerre sont récurrentes dans de nombreuses œuvres, dont celles des livres illustrés kusazoshi après la période Horeki, des ukiyo-e de la période Kansei et des livres miniatures de la période Meiji. Dans le Taiheiki et dans d'autres ouvrages, la yama-uba raconte avoir été réveillée en sursaut par un violent coup de tonnerre alors qu'elle rêvait qu'un dragon rouge lui faisait l'amour, engendrant ainsi Kintoki (Kintaro). Le corps rouge de Kintaro, ses pouvoirs surnaturels ainsi que les représentations de lui avec une hache de guerre (qui était l'arme du dieu du tonnerre) suggèrent également qu'il était l'enfant de la yama-uba et de Raijin. Bien que Raijin soit habituellement peint en rouge, il apparaît ici en vert, pour contraster avec le corps de Kintaro.
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Mont Kintoki (sommet)
Cette montagne se trouve à la limite des préfectures de Kanagawa et Shizuoka, et culmine à 1 212 mètres. Elle est associée à la légende de Kintaro. Le sommet offre une vue panoramique sur le mont Fuji, que l'on retrouve dans les estampes en couleurs nishiki-e de Utagawa Yoshitsuya et Utagawa Kunihisa.
Sakata Kaidomaru (万延元年9月改印 1860 松嶋彫政), Utagawa YoshitsuyaKeio University Library
Tengu (lutin avec un bec de corbeau)
Un lutin avec un bec de corbeau mène le jeu du kotoro kotoro. La créature légendaire de tengu, à l'apparence d'oiseau, avait un bec et portait des vêtements de yamabushi (ermite des montagnes) sur son corps ailé. La yama-uba a probablement eu recours à ses pouvoirs magiques pour appeler le lutin à devenir le compagnon de jeu de Kintaro. Menacé à l'aide d'une hache, il étend ses membres pour empêcher Kintaro de passer. Le tengu est représenté avec, à la taille, son fidèle éventail à plumes. On raconte qu'il fendait les airs et provoquait des incendies.
Oni (lutin rouge)
Il s'agit d'un monstre imaginaire tiré de la doctrine bouddhiste et du chemin du Yin et du Yang. La légende raconte qu'il a pris forme humaine, que des cornes ont poussé sur son crâne, qu'il était rouge de la tête aux pieds et qu'il a établi sa demeure en enfer. Kintaro est souvent représenté en train de réprimer les lutins ou de s'amuser avec eux. Ici, on voit un lutin rouge qui joue librement avec un ours, un lapin, un singe et d'autres animaux.
Kintaro et les lutins
Voici une estampe en couleurs nishiki-e de Torii Kiyonaga. Kintaro et quatre lutins tiennent ici des cordes. Avec 40 œuvres (un nombre comparable à celles de Kitagawa Utamaro), Torii Kiyonaga est considéré comme l'artiste ayant peint le plus d'ukiyo-e représentant Kintaro. Par exemple, dans "Kintaro fait danser l'ours", les lutins jouent du tambour et de la flûte, tandis que dans "Kintaro et les petits lutins", Kintaro arbitre un combat de sumo entre les lutins.
Kintaro (Kintoki) et le lutin
Kintoki (Kintaro) fait fuir un lutin en lui lançant des fèves. Il porte une coiffe eboshi de cérémonie. Un grand kanji doré est visible sur son hakama plissé. Portraituré comme un personnage corpulent dans son enfance, Kintaro est ici un adulte distingué, barbu et musclé. Bien qu'aujourd'hui, le Setsubun (festival des moissons ou "fête du lancer de haricots") soit célébré vers le 3 février, il tombait aux alentours du Nouvel An dans l'ancien calendrier. On peut observer, en haut à droite, un shimenawa, c'est-à-dire une corde sacrée garnie de symboles protecteurs. Il est généralement placé au-dessus des entrées ou des autels shintoïstes au moment du Nouvel An. De nouveau, le lutin est vert pour contraster avec la couleur vermillon du corps de Kintaro.
Yama-uba (nourrice des montagnes)
La yama-uba est l'esprit yokai d'une vieille femme qui vit dans des zones montagneuses reculées. On raconte qu'elle est grande, qu'elle a de longs cheveux et une peau diaphane, et parfois aussi qu'elle a le regard perçant et une bouche qui s'étend d'une oreille à l'autre. L'idée qu'une yama-uba était la mère de Kintaro a été popularisée par le roman "Kinpira Joururi" au début de la période Edo, au moment où le sujet de l'enfance de Kintoki (Kintaro) a été abordé pour la première fois. Dans cette estampe en couleurs nishiki-e, la yama-uba (nourrice des montagnes) surveille Kintaro avec une expression bienveillante, tout en cousant un kimono avec un motif à carreaux enfantin, probablement pour Kintaro lui-même.
La yama-uba et Kintaro (Kitagawa Utamaro)
Un ukiyo-e bijin-ga de Kitagawa Utamaro représente la yama-uba en belle jeune femme. À la fin de la période Kansei, Kitagawa Utamaro a réalisé de nombreux ukiyo-e dont le thème était Kintaro et sa mère. Ici, le corps de Kintaro est à nouveau peint en rouge, et la yama-uba est une jolie jeune fille. Alors qu'elle arborait auparavant les traits d'une vieille femme misérable ou d'un personnage féminin démoniaque avec des cornes ou d'autres caractéristiques similaires, les nouveaux portraits de la yama-uba ont sans doute été fortement influencés par l'image de belle jeune femme véhiculée par Kitagawa Utamaro.
La yama-uba et Kintaro (Kitagawa Utamaro)
On attribue à Kitagawa Utamaro environ cinquante dessins ayant pour thème Kintaro et sa mère, la yama-uba. Ils auraient tous été créés à la fin de la période Kansei ou pendant la période Bunka. Cette époque coïncide avec une censure croissante des publications. En 1800, les bijin-ga okubi-e, estampes de la tête et des épaules de belles femmes, ont été interdits. Cette interdiction aurait été contournée en dissimulant les bijin-ga sous la forme d'images d'une mère et de son enfant (Kintaro et la yama-uba), qui n'étaient pas considérées comme moralement suspectes.
Carpe
Enfin, intéressons-nous à la carpe. Cette estampe nishiki-e de Utagawa Yoshitsuya contient un large éventail de motifs liés à Kintaro. Une carpe qui ne joue pas au kotoro kotoro est partiellement dissimulée par une chute d'eau. Mais pourquoi apparaît-elle ici ? Et pourquoi se trouve-t-elle sous une chute d'eau ?
Kintaro aux prises avec la carpe
Dans l'œuvre "Kintaro aux prises avec la carpe" de Totoya Hokkei, Kintaro attrape une carpe qui remonte une chute d'eau. Ce thème est souvent utilisé pour symboliser une élévation dans la société. Un conte populaire prétend en effet qu'une carpe qui parviendrait à nager à contre-courant et à gravir les chutes du fleuve Jaune au niveau de la porte du dragon (Longmen) se transformerait en dragon.
Kintaro luttant contre la carpe
Dans "Sakata Kaidomaru", une œuvre de Utagawa Kuniyoshi, Kintaro saisit également une carpe qui remonte une chute d'eau. Le courageux Kintaro empoignant une carpe géante qui tente de devenir un dragon en franchissant une chute d'eau est un sujet récurrent de nombreuses œuvres qui célèbrent l'évolution des jeunes garçons et leur souhaitent la réussite sociale. Encore aujourd'hui, Kintaro et la carpe servent de symbole décoratif pour fêter la progression des hommes au festival des garçons le 5 mai.
Référence
Shimizu, Isao. Histoire chronologique des mangas japonais (japonais). Rinsen Shoten, 2007, 267p. /
Torii, Fumiko. Naissance de Kintaro (japonais). Bense Shuppan, 2002, 209p. /
Torii, Fumiko. Mystère de Kintaro (japonais). Miyabi Shuppan, 2012, 254p. /
Takasaki, Masahide. Histoire de la naissance de Kintaro (japonais). Jinbun Shoin, 1937, 415p. / Zen Taiheiki (japonais). Kokushokankokai, 1988, p.325-328. / Catalogue des œuvres de Torii Kiyonaga (japonais). Musée d'Art de Chiba, 2007, 70p. /
Catalogue des œuvres de Kitagawa Utamaro (japonais). Ukiyo-e shuka : musée des Beaux-Arts de Boston, 3, Utamaro (japonais). Shogakukan, 1978, p.235-254.
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