Les stèles de Saint-Ambroix

A Saint-Ambroix, qui sème le vent, récolte des stèles gallo-romaines...

Photographie de fouilles 2 (C.1907), AnonymeMusée Bertrand

L'histoire des fouilles

C'est en décembre 1908 que M. Bertrand et son fils, qui voulaient extraire des matériaux de construction de leur champ au quartier de Saint-Hilaire, près de la voie romaine Avarium-Argentomagus, font l'incroyable découverte d'un sarcophage et de trois premières stèles de calcaire.

Photographie de fouilles 3 (C.1908), AnonymeMusée Bertrand

En printemps 1909, celui que l'on appelle familièrement le Père Bertrand, conscient qu'il venait de faire une importante découverte l'année précédente, décide de poursuivre ses fouilles et découvre une autre stèle, quelques sarcophages, ainsi que de grandes pierres couchées face contre terre.

Ensevelies sous un mur, et dans un très bon état de conservation, ces grandes pierres étaient en fait d'imposantes stèles de l'époque gallo-romaine qui avaient été mises en terre pour servir de fondations à un bâtiment.

Plan des champs Bertrand et Pénin par AnonymeMusée Bertrand

Le 7 juillet 1909, intrigués par les journaux qui commencent à colporter l'affaire, des membres de la Société des Antiquaires du Centre décident de se rendre sur place, à Saint-Ambroix, pour visiter les lieux.

Face à ce chantier, ils mesurent alors l'importance de cette incroyable découverte et décident de voter une somme à offrir au propriétaire en échange du site.

Lettre de St Ambroix le 10 juillet 1909Musée Bertrand

Le 10 juillet 1909, M. Bertrand, évaluant l’indemnisation trop faible, et pensant lui-même en tirer plus cher, écrit à la Société des Antiquaires du Centre:


" Je fais connaître à M. le secrétaire de la société des Antiquaires du Centre pour refuser l'offre faite par ses M.eurs, je ne l'accepte pas. Car je ne la trouve pas assez forte. Donque je remises mes pierres, et je continueré les fouilles à mon conte. A mesure que je pourrait le faire comme je ne suis pas pressé. Donque inutil dans dire plus long l'offre faite par la société me pairai à peu près que les travaux que j'ai fait. "

Photo de fouilles JJ Lericolais (C.1909), AnonymeMusée Bertrand

Bertrand travaille alors à l'excavation des stèles enterrées dans son champ. Très vite, à mesure qu'il sort de la terre ces énormes blocs de pierre, les articles fusent dans les journaux, si bien que le site devient bientôt la principale attraction touristique des environs.





On vient de toute la France pour voir les stèles de Saint-Ambroix.

Sachant la véritable mine d'or qu'il vient de mettre à jour, le Père Bertrand fait payer les visites à cette foule de curieux.

Cartes postales du musée de Châteauroux Cartes postales du musée de Châteauroux (20e siècle), AnonymeMusée Bertrand

Il faut attendre 1912, et l'intervention généreuse de Charles Balsan, célèbre industriel de Châteauroux, pour que Bertrand accepte de céder ses trouvailles au Musée de Châteauroux.


En mars 1913, 6000 francs sont finalement versés à Bertrand pour l'acquisition de la totalité des stèles retrouvées. Elles seront ensuite exposées au Musée Lapidaire des Cordeliers, à Châteauroux avant d'être disséminées dans les Musées de la région.

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

Qu'est-ce qu'une stèle cinéraire ?

Ces tombes gallo-romaines accueillaient les cendres du défunt disposées dans une urne sous la stèle. Celle-ci offrait généralement une image figurée du mort et de sa profession ou de ses relations (époux-épouse ;  maître-serviteur ; ...).


Du fait du nombre important de stèles retrouvées sur les lieux, ainsi que la présence de stèles inachevées, on a souvent émis l'hypothèse que Saint-Hilaire était en fait un centre de production.

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

Les stèles de couples

Le Musée de Châteauroux garde aujourd'hui une grande variété de stèles, dont certaines figurent des couples mariés.

Sur cette stèle est représenté un jeune couple, un homme et une femme, aux traits abimés. Ils portent tous les deux un manteau à larges manches.

Les cheveux de la femme sont peignés en bandeaux de mèches fines, retenues en un petit chignon au sommet de la tête. C'est un style inspiré de la mode romaine.


On peut apercevoir, serré contre sa poitrine, un petit coffret qu'elle tient de sa main baguée.

L'homme, lui, tient une bourse ainsi qu'un petit gobelet, aussi appelé poculum.

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

Sur cette autre stèle, comme beaucoup de cette collection, les époux sont légèrement tournés l'un vers l'autre.





La femme, en tunique longue, porte son manteau comme un châle, posé sur les épaules et croisé à la poitrine.

Ses cheveux sont séparés par une raie médiane et tombent en une boucle sur son épaule. Ce style de coiffure se retrouve sur d'autres stèles.

L'époux, lui, porte un long manteau et tient dans sa main un poculum,...

...et dans l'autre, la manche d'une pelle.

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

On retrouve sur cette troisième stèle les mêmes longs manteaux. A noter également la présence d'un châle sur les épaules de la femme.

Celle-ci est d'ailleurs représentée coiffée à la romaine, avec ce chignon retenant les mèches fines de ses cheveux.

Elle tient dans sa main une mappa, une sorte de serviette.





L'homme, quant à lui, est représenté en jeune homme, imberbe.

Il tient à la main une sorte d'objet rond

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

C'est un couple plus âgé qui est représenté sur cette stèle-ci, comme en témoignent leurs traits prononcés.


Sûrement pour un couple de notables, car l'encadrement très poussé et travaillé est accompagné de chapiteaux en forme de têtes féminines.





On retrouve la mappa que tient la femme.

Son époux tient, lui, une tablette de cire ainsi qu'un étui à stylets.

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

Comme le couple précédent, on reconnaît l'âge des personnages sculptés grâce à quelques détails. Ici, en plus des traits prononcés de leurs visages (des rides), l'âge avancé de l'homme se retrouve dans ses cheveux quelque peu dégarnis, au sommet de son crâne.

Ceux-ci prennent une position que l'on retrouve assez souvent sur ces stèles cinéraires: légèrement tournés l'un vers l'autre, l'épouse pose sa main sur l'épaule de son mari, tandis que celui-ci tient des outils permettant de nous indiquer le métier qu'il exerçait de son vivant.

Il s'agit ici de forces, sorte de ciseaux de travail permettant la coupe de draps ou bien la tonte des moutons.

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

Un couple d'hommes

Sur cette stèle-ci, ce n'est non pas un couple femme/homme qui est représenté, mais bel et bien deux hommes, dont l'un est un peu plus âgé que l'autre. En effet, celui de gauche a le visage rond, les joues pleines, tandis que son compagnon a les traits plus creusés. Tous les deux portent la barbe.

Les deux personnages sont dans la même position que les couples précédents, tous les deux tournés l'un vers l'autre. Le plus âgé porte lui aussi la main sur l'épaule de son compagnon.

L'homme de gauche tient dans ses mains un objet rond, peut-être un pain, et une balance.


L'autre tient un étrange instrument, l'herminette, ou ascia, qui servait au travail du bois.


Peut être s'agit-il là d'une représentation des métiers du commerce et du bois.

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

Cette stèle à deux faces présente aussi un certain intérêt dans cette collection.

La niche principale représente un homme dans un ample manteau tenant une canne de ses deux mains. Il lui manque la tête, dont aucune trace ne reste sur le fond.

Stèle de St-Ambroix par AnonymeMusée Bertrand

A ses côtés, sur la partie latérale droite, figure un jeune homme lui aussi en manteau.

Il est de plus petite taille que l'homme de la niche principale, et possède un visage rond et imberbe. Aussi, on peut le deviner d'un âge plutôt jeune.





Il tient une cruche et un bol dans ses mains.

Il s'agit très certainement d'une représentation d'un maître et de son jeune serviteur.

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

Stèle au trio

Après les couples, on retrouve aussi des stèles présentant trois personnages. Sur celle-ci, il s'agirait plutôt d'un homme et d'une femme, légèrement en retrait, encadrant un autre homme plus âgé.

Pourtant imberbes tous les deux, le personnage du milieu apparaît plus vieux que l'autre homme de par ses traits marqués.

La femme, elle, reprend les canons de beauté de l'époque avec sa coiffure où l'on retrouve la raie médiane surmontée d'une natte ou d'un chignon, d'où l'on voit s'échapper une boucle, sur le côté.

Chacun tient un objet: une mappa pour la femme, une bourse ouverte et renversé pour le personnage du milieu, et quelques tablettes pour l'homme à droite.

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

Un unique personnage masculin

Si nous avons vu pour l'instant que les stèles retrouvées à Saint-Ambroix représentaient le plus souvent plusieurs personnages, et souvent des couples, ce n'est pourtant pas le cas pour toutes les stèles. En effet, nous avons retrouvé sur le site presque autant de stèles décorées d'un seul personnage, souvent un homme.

Sur cette stèle-ci, on retrouve le même code de représentation que sur les stèles de groupe. L'homme, les cheveux coiffés vers l'avant, porte un long manteau aux larges manches.

Comme pour les autres hommes, il tient dans ses mains les outils du métier de son vivant. Ici, une planchette et un coffret de tablettes contre sa poitrine, et un étui à stylets dans sa main gauche.

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

On retrouve sur cette autre stèle la représentation d'un jeune homme, le visage rond et imberbe.

Il tient dans sa main droite une herminette et, de la gauche, un morceau de bois sûrement posé sur un établi. On peut supposer que le jeune homme était menuisier.

Détail intéressant: on peut lire sur le bandeau de la niche l'inscription "[...]monim (entum)" soit "le monument (de)...".

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand

Une représentation naïve

Sur les quelques stèles représentant un unique personnage, on retrouve des représentations d'individus féminines qui, étrangement, paraissent naïvement sculptées quand on les compare aux représentations masculines.

Cette stèle présente ici une femme à la silhouette plutôt grossière. En effet, sa tête (aux grands yeux, large sourire) paraît disproportionnée par rapport au corps.

Ses cheveux, très différents de ceux représentés jusqu'à maintenant, apparaissent maladroitement sculptés.





Elle tient dans sa main un poculum.

Devant cette coupe et son sourire béat, les ouvriers des fouilles avaient surnommé cette femme "l'alcoolique".

Stèle de St-Ambroix (2e siècle), AnonymeMusée Bertrand





Sur cette autre stèle, on retrouve ce style naïf, simplifié, utilisé pour représenter la femme.

Là encore, la tête de la défunte est disproportionnée par rapport au corps.

Ses mains, atrophiées, semblent tenir une mappa.

Si la figure est simpliste, on peut noter néanmoins un détail esthétique qui dénote: en effet, le sculpteur a décidé de la représenter avec un fin collier autour de son cou.

Crédits : histoire

Musée Bertrand de Châteauroux.

Kevin Guillebaud
Candice Signoret

Photos : © Musée Bertrand

Crédits : tous les supports
Il peut arriver que l'histoire présentée ait été créée par un tiers indépendant et qu'elle ne reflète pas toujours la ligne directrice des institutions, répertoriées ci-dessous, qui ont fourni le contenu.

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