"Ce sont des textes très anciens. J’ai écrit ce texte à la fin de 1958. C’était beaucoup
sur ma mère, peu de temps après sa mort, le 25 août 1958. Je l’ai donné à lire
à mon père avant ma grande fugue pour Paris. Il m’a dit qu’il y retrouvait beaucoup
ma mère – une des dernières phrases gentilles que nous nous sommes dites, il y a
bien longtemps. Que je l’avais bien comprise, et ce texte lui a fait du bien.
Il l’a authentifié, avalisé. C’est ce texte-là, écrit à la main, dactylographié par un
de mes amis à Paris, Yves Bouvier, que j’ai envoyé à Jean Cayrol, qui avait créé
la collection et revue Écrire aux éditions du Seuil. C’est sur ce texte-là qu’il m’a
reconnu comme un « vrai écrivain ». Il m’a demandé de faire des ajouts, et je l’ai
rejeté. Je me suis lancé dans Sur un cheval. Quand j’ai titré Valentin l’Obscur,
je ne connaissais ni Blanchot (Thomas l’Obscur) ni Bataille, tout juste Artaud, qu’un
de mes amis au lycée du Parc, Louis Mermet, m’avait fait lire. Pour Sur un cheval,
il a fallu aussi choisir un pseudonyme, parce que j’étais encore mineur, et que
mon père ne voulait pas que notre nom soit lié à ce nouveau texte qu’il jugeait
féroce pour la famille: j’ai donc choisi le pseudonyme de Donalbain, le plus jeune fils
de Duncan, dans Macbeth, et j’ai atténué la version originale. Valentin est un
prénom très « fête galante », très adolescent. En fin de compte, même dans mes
textes les plus récents, les plus rudes, je n’ai jamais abandonné la fête galante,
ses masques, son discours pour presque rien, son monde total joué." Pierre Guyotat