Mousquet à mèche, Europe du Nord, vers 1625-1630 Vue générale

Les armes gravées à la plaque de couche attestent de l'appartenance de cette pièce au cardinal de Richelieu et l'extrême qualité de sa facture permet de supposer qu'elle était destinée à son usage personnel. De section carrée en son tiers inférieur, le canon est ciselé et gravé de cartouches rehaussés de dorure enfermant des figures de guerriers à l'antique ; l'autre section du tube dont il est séparé par des bandeaux simulant des feuilles de lotus, dessine une colonne cannelée s'achevant sur un chapiteau de style composite soutenu par des cariatides. La visée est constituée de deux têtes de béliers adossés. Au tonnerre, le poinçon représentant un grelot insculpé à deux reprises a été identifié ; Stöckel a 4863, comme correspondant à une marque d'un canonnier d'Anvers. La mise à feu est assurée par un mécanisme à mèche ; le corps de la platine allongé est entièrement ciselé sur fond doré et en son centre s'enlève une tête de la Méduse que cernent des motifs de trophées ciselés et dorés. Le serpentin également ciselé s'évase en deux branches représentant la traditionnelle tête de dragon fermée par la vis de serrage maintenant la mèche.
La monture en bois de merisier correspond à une robuste crosse taillée à pans sculptée en arrière du tonnerre d'un masque de Neptune surmonté d'une conque. La prise de main gauche simule les contours d'un dauphin nageant traité en ronde bosse. C'est la qualité de surintendant de la navigation et du commerce, charge qu'exerce le cardinal de Richelieu depuis 1627, qui est célébrée sur cette arme dont l'emblématique se complète, outre la représentation parlante du dauphin, de la figuration symbolique de l'ancre (sur un porte-baguette), et du masque de Neptune (en arrière de la culasse).
Bien des interrogations subsistent sur la construction même de la pièce. Son canon porte un poinçon d'Anvers mais cette marque, en raison des déplacements pour des causes religieuses de nombreux artisans entre le Nord et le Sud, apparaît parfois sur des armes réalisées à Amsterdam. Sur le plan stylistique, le traitement des personnages enfermés dans les cartouches, au plat du tube, semble plus proche des formules propres au maniérisme anversois que du goût français contemporain. L'étude de la monture est également complexe ; vers la même époque dans l'ensemble des Pays-Bas, les armes pour le tir à la cible, les « target guns », sont équipées de montures comparables. De plus, au niveau de son ornementation, ce mousquet n'est pas sans présenter d'étonnantes similitudes avec certaines arbalètes à jalet dont la traditionnelle provenance italienne paraît pouvoir être contestée au profit d'une identification plus vraisemblable avec la production d'ateliers de l'Europe septentrionale.
En illustration à ces observations, il est opportun de rappeler le rôle et les liens de la France avec ces contrées, le soutien traditionnel apporté aux insurgés, lors de la révolte des Pays-Bas, l'alliance avec la République et plus précisément entre 1620 et 1635, le très important commerce des armes. Selon des sources anciennes, on estime aujourd'hui que plus de 13 000 mousquets produits par les ateliers hollandais furent exportés vers notre pays.