Plein air. De Corot à Monet : Les macchiaioli (1855-1870)

Dès le milieu des années 1850, un groupe de jeunes artistes novateurs se retrouve au Caffè Michelangiolo à Florence. Comme le rappelle Adriano Cecioni en 1905 : « Ils parlaient, discutaient et se mettaient d'accord pour aller à la campagne assouvir leur passion de l'art par de nouvelles études et de nouvelles recherches, toujours fermement résolus à être vrais, sincères et honnêtes. »

Ces réunions comptaient le critique d'art et mécène Diego Martelli, Telemaco Signorini, Odoardo Borrani, Giovanni Fattori, Serafino De Tivoli, Raffaello Sernesi, Vincenzo Cabianca, Giuseppe Abbati et Vito D'Ancona.

Les macchiaioli s'opposent à un enseignement jugé trop académique et prônent l'observation du monde contemporain. Comme les paysages italiens de Camille Corot, leur art se caractérise par une notation synthétique, qui souligne les contrastes les plus vifs de l'ombre et de la lumière.
Ils adoptent le terme de macchia (« tache »), lancé par un critique de la "Gazetta del Popolo" en 1862 et sont désormais désignés comme les macchiaioli.

Giovanni Fattori a lancé cette façon de travailler en fixant en 1859 les attitudes des soldats français venus soutenir la conquête de l'unité nationale italienne.

Dans cette œuvre conservée à l’Istituto Matteucci, à l'abri d'une arche qui encadre le paysage, Giuseppe Abbati décrit la silhouette longiligne de son ami le peintre Stanislao Pointeau, penché sur une étude.

La campagne toscane est évoquée comme une succession de taches claires qui contrastent avec le premier plan plongé dans l'ombre.

Les deux silhouettes masculines y sont traitées en aplats sombres, un linge posé sur les genoux. Les outils du peintre de plein air occupent ici le centre géométrique de la composition.

Le refus d'un dessin minutieux et les traces du pinceau laissées apparentes visent à préserver la sensation première de l'artiste découvrant la qualité de lumière d'un site.

Ce petit panneau, à comparer avec les études peintes par Claude Monet à Trouville en 1870, témoigne du caractère novateur de Fattori, l'un des artistes les plus célèbres du groupe.

Le critique d'art et mécène Diego Martelli soutient d'emblée les macchiaioli et voyage beaucoup entre Florence et Paris où il séjourne à plusieurs reprises. Il compte parmi les amis de Degas, qui en laissera un prodigieux portrait (1879, Édimbourg, National Galleries of Scotland). Martelli hérite en 1861 d'un vaste domaine à Castiglioncello au Sud de Livourne, où il invite les artistes à venir travailler. Telemaco Signorini et Giuseppe Abbati y sont, comme Giovanni Fattori, séduits par la côte toscane encore sauvage.

Ici, Fattori peint Madame Martelli de façon informelle, parmi les arbres de sa propriété. Le fond n'étant pas préparé, les veines du panneau bois s'harmonisent à la représentation.

Comme le rappelle Beatrice Avanzi, dans le catalogue qui accompagne ce projet, les tableaux des macchiaioli « sont des études de lumière transcrites sur des panneaux de petites dimensions, facilement transportables et pratiques pour y consigner instantanément l'observation de la nature. Le fait de recourir à des petits panneaux allongés – souvent des boîtes de cigares – est caractéristique de la première phase de la macchia et contribue largement à en évoquer la poésie. »

Dans cette œuvre conservée à la Società di Belle Arti, l'usage de la couleur pure, le rouge de la charrette et le bleu de la mer, est mis en valeur par les taches claires des rochers qui accrochent la lumière.

Les macchiaioli peignent essentiellement la campagne toscane, notamment à Piagentina au Sud de Florence ou, comme c'est le cas ici, à Castiglioncello près de Livourne. Ils adoptent souvent un format panoramique allongé, particulièrement adapté au paysage et au rendu de vastes horizons.

Ici, le peintre décrit un ensemble de meules aux formats variés qui rythment la composition horizontale.

« La macchia fut avant tout une étude de la lumière et, en tant que telle, elle était inconcevable sans le contact direct de la nature et de la pleine lumière du soleil. » rappelle D. Durbè (« I Macchaioli », 1976). L'artiste étudie les effets de la lumière méditerranéenne sur le paysage des bords de mer à Castiglioncello. Comme dans les tableaux précédents, il adopte un format horizontal...

...qui confère une sensation d'espace, une véritable respiration, à l'oeuvre de petites dimensions.

Installé près de Piagentina, dans la campagne sur les bords de l'Arno, Telemaco Signorini évoque ici la vie quotidienne. Un jeune couple, dont les liens sont resserrés par la contemplation d'une nature harmonieuse, pêche à la ligne sur les bords de l'Arno.

C'est un autre aspect du mouvement macchiaioli qui transparaît ici, celui des scènes intimistes, évocatrices d'une vie quotidienne simple et sereine. À nouveau, nous remarquons une prédilection pour un format allongé.

À l'évidence, le peintre florentin évoque la vie rurale de son temps, la simplicité des bâtiments blanchis à la chaux et des chevaux de ferme attelés à une modeste charrette.

Mais le véritable sujet de l'oeuvre est l'éclat de la lumière méditerranéenne, traduite ici avec une véritable science de la couleur. L'artiste module la variété des blancs, éclatants au soleil, teintés de gris légers à l'ombre. Les tons clairs dominent, avec le bleu délicat du ciel et l'évocation d'un sol où il multiplie les nuances.

Pour renforcer l'éclat d'une palette délibérément restreinte, il use aussi du contraste clair et sombre en jouant des tons de la robe des chevaux et de la tenue du paysan. L'ensemble est relevé de discrètes touches de teintes pures, le rouge et le vert.