A travers des documents d’archives originaux (tracts, affiches, périodiques, vidéos) disponibles dans le portail numérique Odysséo, créé par l’association Génériques, cette exposition retrace l’histoire des grandes mobilisations et luttes de l’immigration de 1972 à 1983.
A cette époque, la France est le premier pays d’immigration en Europe (près de 4 millions d’immigrés en 1975). Cependant, dès le début des années 1970, diverses lois et circulaires sont mises en place afin de contrôler l’arrivée et l’installation de nouveaux immigrés sur le territoire. Tout au long des années 1970 et 1980, des groupes d’immigrés, hommes et femmes, s’organisent et se mobilisent pour combattre des politiques qu’ils jugent inéquitables et discriminatoires.
Cette exposition permet de revisiter cette histoire méconnue et souvent ignorée, celle de ces hommes et femmes immigrés qui, à travers leurs combats, ont contribué à promouvoir l’égale dignité de tous.
"1972 Les mobilisations contre les circulaires Marcellin-Fontanet"
Appel à manifestation contre la circulaire Marcellin-Fontanet.
En soumettant la délivrance de cartes de séjour à la possession d'un contrat de travail d'un an et d'un logement décent, les circulaires Marcellin-Fontanet, appliquées en septembre 1972, font de la majorité des travailleurs vivant en France (80%) des sans-papiers susceptibles d’être renvoyés à la frontière. Ces circulaires sont à l’origine des premières grandes mobilisations des immigrés depuis celles de mai 1968.
Elles provoquent une série de graves conflits, notamment des grèves de la faim, pour dénoncer les expulsions d’étrangers et pour l’obtention de papiers. Afin de faire annuler leur expulsion, Saïd et Faouzia Bouziri (jeunes militants tunisiens connus des services de renseignement) entreprennent, en octobre 1972, une grève de la faim à Paris (18e arr.). La campagne de soutien au couple Bouziri, dont une manifestation à Paris qui réunit plus de 2 000 personnes, fait reculer les autorités. Cette victoire donnera des papiers (provisoires) au couple Bouziri et verra naître des organisations qui s’engagent pour l’égalité des droits des immigrés comme le Comité de défense de la vie et des droits des travailleurs immigrés (CDVDTI).
Driss El Yazami. Militant marocain engagé dans de nombreux mouvements de l'immigration dont le Mouvement des travailleurs arabes (MTA).
"Les grèves de la faim pour les cartes de travail et de séjour"
Le Comité de défense de la vie et des droits des travailleurs immigrés organise un rassemblement de soutien au Palais de la Mutualité.
Affiche dénonçant les conditions de travail des travailleurs immigrés. Affiche annonçant la prolongation d'une grève de la faim.
En 1973, les mobilisations des immigrés autour des circulaires Marcellin-Fontanet s’amplifient en un mouvement national pour l’obtention de cartes de travail et de séjour. Des ouvriers et des étudiants immigrés en provenance de divers pays (Portugal, Turquie, Tunisie, Ile Maurice, Sénégal, Maroc, Pakistan..) participent ainsi à des grèves de la faim pour l’obtention de ces papiers qui leur permettraient d’éviter l’expulsion vers leur pays d’origine. Des grèves sont organisées sur tout le territoire avec le soutien actif d’organisations immigrées autonomes (le Mouvement des travailleurs arabes, le Mouvement des travailleurs mauriciens, le Movimento dos trabalhadores portugues emigrados..). Des organisations françaises soutiennent aussi les immigrés en lutte (Cimade, GISTI, CFDT, PSU, CGT..).
Driss El Yazami. Militant marocain engagé dans de nombreux mouvements de l'immigration dont le Mouvement des travailleurs arabes (MTA).
En juillet 1973, alors qu'une grève de la faim illimitée a été déclarée dans le quartier populaire et ouvrier de Ménilmontant à Paris (20e arr.), le gouvernement fait marche arrière et régularise plus de 30 000 immigrés. Parallèlement aux grèves de la faim, des manifestations et des meetings ont lieu afin de sensibiliser les travailleurs immigrés à la nécessité de la lutte pour les papiers.
En soutien aux grévistes de la faim pour la régularisations des sans-papiers. Années 1970.
Patrick Mony, Miitantt engagé dans les luttes pour les droits des immigrés, il rejoint le GISTI en 1978.
Les travailleurs immigrés en grève réclament la carte de travail et la suppression de la circulaire Fontanet.
"Les luttes des foyers et des loyers"
Affiche représentant la lutte dans les foyers Sonacotra et les négociations avec le comité de coordination.
Alors qu’au début des années 1970 les bidonvilles, où vivent de nombreuses familles immigrées, disparaissent progressivement pour laisser place à de grands ensembles, la question du logement se place au centre des luttes immigrées. Le 1er janvier 1970, 5 travailleurs africains meurent asphyxiés dans leur « foyer » à Aubervilliers. Cet événement, qui révèle au grand public les conditions de vie misérables des immigrés, connaît un retentissement national à la fois politique et médiatique.
En 1975, à la suite de plusieurs hausses de loyers dans les foyers, des grèves des loyers ont lieu dans plusieurs foyers de travailleurs immigrés en Ile-de-France (Grésillons à Gennevilliers, Romain Rolland à Saint-Denis..). Les grévistes s’organisent en comités qui dénoncent les hausses des prix, les conditions de vie misérables ainsi que l’attitude des propriétaires et des « gérants racistes ». De grandes grèves qui mobilisent des milliers de travailleurs immigrés ont lieu dans toute la France entre 1975 et 1980.
Annonce en arabe et en portugais pour la poursuite de la grève dans les foyers. Gala de soutien aux jeunes travailleurs des foyers en lutte.
Affiche de soutien aux luttes des travailleurs immigrés dans les foyers Sonacotra.
Réunion de soutien aux résidents des foyers en lutte. Un accord est conclu entre la Sonacotra et les comités de résidents.
Les revendications des immigrés sont exposées dans des tracts et périodiques qu’ils rédigent, publient et distribuent aux abords des usines et des foyers : « La Sonacotra vole les ouvriers. La Sonacotra emprisonne les ouvriers en leur interdisant tout droit, toute liberté et en installant des gérants racistes, provocateurs et diviseurs. La Sonacotra condamne les ouvriers à vivre en célibataire. » Ces luttes sont organisées par des mouvements autonomes de l’immigration avec le concours de diverses organisations (Cimade, PSU, GISTI, CFDT…) et comités de soutien. Elles démontrent l’élaboration des revendications et des mobilisations et ont un certain effet puisqu’elles donnent lieu à des accords avec la Sonacotra qui finira par accorder aux travailleurs des droits autrefois interdits dont le droit de visite, le droit de réunion et la participation des travailleurs à la gestion des foyers.
Affiche du comité de coordination du foyer Sonacotra de Garges-lès-Gonesse.
Patrick Mony intègre le service Migrants de la Cimade à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en 1975.
"La lutte contre le racisme"
Affiche du film "Comment et pourquoi on tue un travailleur algérien" de Mohamed Diab (1973)
Annonce de l'enterrement de la jeune Malika Marche antiraciste pour dénoncer l'assassinat de Mohamed Diab (1972)
En octobre 1971, éclate l’affaire Djellali Ben Ali. Jeune algérien de 15 ans, Djellali Ben Ali est tué par le concierge de l’immeuble où il vit avec sa famille à Paris (18e arr.). Une grande manifestation est organisée à Paris le 7 novembre pour dénoncer le caractère raciste de ce crime. Elle réunit 3 000 personnes, dont une majorité d’immigrés. Cette mobilisation donnera naissance au Comité Djellali qui rassemble des organisations immigrées mais aussi des intellectuels tels que Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Michel Foucault.
En 1973, après 2 années secouées par de grandes vagues de crimes racistes en Ile-de-France (mais aussi à Marseille et en Corse), les immigrés, hommes et femmes, se mobilisent à nouveau en masse contre les crimes à caractère raciste. Début septembre 1973, le Mouvement des travailleurs arabes organise une journée de deuil afin de condamner le meurtre de 4 ouvriers immigrés victimes de représailles après qu’un déséquilibré algérien a tué un conducteur de bus à Marseille. Le 14 du même mois, le Mouvement des travailleurs arabes organise la première grève autonome des travailleurs arabes en région parisienne ; elle sera largement suivie. Parallèlement, d’autres organisations autonomes immigrées organisent des rassemblements et des manifestations afin de dénoncer les crimes racistes et l’impunité dont bénéficient les « assassins d’immigrés ».
A la fin des années 1970 et au début des années 1980, des collectifs et des associations d’enfants d’immigrés se forment pour dénoncer et combattre les crimes à caractère raciste. On les retrouve principalement dans des villes de banlieue comme, par exemple, à Nanterre avec le Comité Gutenberg qui se crée à la suite du meurtre du jeune Abdenbi Guemiah le 23 octobre 1982 ou à Vénissieux, où l’association SOS Avenir Minguettes voit le jour en avril 1983 à la suite d’une grève de la faim menée par des jeunes du quartier des Minguettes. La Marche pour l’égalité et contre le racisme (15 oct.- 3 déc. 1983), organisée, entre autres, par l’association SOS Avenir Minguettes, est l’expression la plus visible de la mobilisation des jeunes issus de l’immigration contre le racisme.
Numéro 5 du journal L'Anti-raciste (décembre/janvier 1979-1980) Numéro 1 du périodique Halte au racisme : Journal du comité de lutte contre le racisme
Affiche représentant un homme et une femme levant le poing, qui annonce un meeting antiraciste.(1974)
"Contre les expulsions"
En 1974, la politique migratoire en France prend un tournant. Elle se caractérise par l’arrêt de toute nouvelle immigration extra-communautaire de travail jusqu’en 1977, et de regroupement familial jusque 1975, par un contrôle rigoureux des entrées et des séjours et l’encouragement à des retours volontaires des immigrés dans leur pays d’origine (loi Stoléru, 1977).
Sont aussi visés par les mesures d’expulsion les immigrés (européens et non-européens) engagés dans des activités jugées suspicieuses et/ou dangereuses par les autorités (militants syndicaux, politiques..). C’est ainsi que certains militants étrangers engagés dans les luttes pour les droits des immigrés sont expulsés vers leur pays d’origine. L’expulsion, qui renvoie les immigrés vers leur condition de composante temporaire de la société, frappe aussi les enfants d’immigrés ne possédant pas la nationalité française et qui rencontrent des ennuis avec la justice.
Les enfants d’immigrés aussi se mobilisent. A la fin des années 1970 et surtout après 1981 avec le rétablissement de la liberté d'association des étrangers, limitée depuis 1939, ils créent leurs propres collectifs et associations pour dire stop aux inégalités (violences policières, double peine, racisme, emploi..) tout en mettant en avant leur place dans la société française.
Yamina Benchenni milite contre le racisme, les violences policières et pour les droits des femmes à Marseille.
Affiche dénonçant les mesures Stoléru considérées comme "racistes" et "illégales".
Affiche réclamant la fin des raffles.
Affiche de soutien à Mogniss et Samir Abdallah, menacés d'expulsions à Nanterre (1979).
Couverture du Bulletin d'information des travailleurs mauriciens, juin 1978.
La Confédération générale du travail (CGT) de Seine-Saint-Denis réclame l'arrêt des expulsions.
Rock Against Police a été créé par des jeunes issus de l'immigration en région parisienne en 1981. Il dénonce, entre autres, les violences policières et les expulsions de jeunes.
Les enfants d’immigrés aussi se mobilisent contre les expulsions. A la fin des années 1970 et surtout après 1981, ils créent leurs propres collectifs pour dire stop aux inégalités (violences policières, double peine, racisme, emploi..) tout en mettant en avant leur place dans la société française.
"Les mobilisations économiques"
Grève à Renault, Flins. Grève générale des travailleurs arabes.
Les grèves des travailleurs immigrés sont au cœur des luttes de l’immigration, et sont indissociables du combat pour l’égalité et contre le racisme. Lors des événements de mai 1968, les travailleurs immigrés participent activement au mouvement de grève qui paralyse le pays, même s’ils n’apparaissent que très peu dans l’historiographie de mai 68. A partir de 1972 et jusqu'à la décennie suivante, ils se mobilisent et forment des mouvements autonomes soutenus, avec plus ou moins de force, par diverses organisations syndicales ainsi que des associations de solidarité avec les immigrés. Parmi les revendications de ces mouvements autonomes : le droit au salaire égal, le droit de changer d’employeur, le droit syndical, la carte de travail, la lutte contre le racisme et contre les expulsions. A l’époque, un quart des immigrés travaillent dans le secteur industriel (mines, usines, bâtiment..).
Travailleurs mauriciens contre le marchand d'esclave Silverio,
Grève chez Margoline (1973).
La grève des OS immigrés à Renault Billancourt (mars-avril 1973)
La grève des ouvriers spécialisés (OS) à l'usine Renault de Boulogne-Billancourt de mars-avril 1973 est emblématique des grèves récurrentes dans les décennies 1970 et 1980 dans l'industrie automobile. Les ouvriers immigrés y tiennent une place essentielle. Le mouvement débute le 21 mars 1973 dans les ateliers de presse du département carrosserie-montage où travaillent des OS algériens, espagnols et portugais. Les grévistes se soulèvent contre l'arbitraire de la classification sur laquelle repose l'évolution salariale : l'évolution des OS dépend de « décisions individuelles de la maîtrise » qui disposent ainsi d'un levier pour faire accepter des cadences plus élevées et d'un instrument de division des ouvriers. Avec le mot d'ordre, « A travail égal, salaire égal », les grévistes souhaitent mettre en place la même classification pour l’ensemble des ouvriers qui travaillent sur les presses. Environ 370 OS occupent leur atelier et paralysent l'ensemble de l'usine. Peu à peu, la grève se répand aux autres presses de l'usine puis à d'autres sites de Renault (Flins, Sandouville, Douai). Les grévistes obtiennent finalement gain de cause et cessent leur mouvement le 11 avril. Le système de classement du personnel est modifié et le salaire est désormais calculé selon
«
la qualification de l’emploi tenu ».
Grève des travailleurs de Renault Flins (1968).
Affiche réclamant la carte de travail dès l'embauche.
"Les mobilisations culturelles"
L'immigré constitue l'organe de la section immigrée de la Jeunesse ouvrière chrétienne.
Parce que la culture est tant un enjeu social et politique que vectrice d’émancipation, des immigrés créent des initiatives culturelles qui tendent à rendre compte de la condition d’immigré, de leur vécu et de leur enracinement dans la société française. Que ce soit à travers des pièces de théâtre, des revues ou des concerts de musique, l’objectif est de montrer la dimension humaine et culturelle de l’immigration et de modifier l’image de l’immigré dans les représentations collectives. Il s’agit aussi de donner aux immigrés un espace dans lequel ils peuvent s’exprimer et partager sur leur culture d’origine.
Théâtre portugais à Paris, 1980.
Affiche de promotion de Radio Beur (1984).
Couverture de Sans Frontière, n°4, janvier 1980.
Sans Frontière : un journal au cœur des luttes de l’immigration, 1979-1986
Sans Frontière , dont le premier numéro sort le 27 mars 1979, est un hebdomadaire de l’immigration indépendant. Il est créé dans le quartier populaire de la Goutte d’Or à Paris (18e arr.) par un groupe de militants immigrés engagés dans diverses organisations, dont le Mouvement des travailleurs arabes et le Comité de défense de la vie et des droits des travailleurs immigrés. Partant du constat que les médias ne s’intéressent pas à la vie des immigrés et que ces derniers sont vus uniquement comme une composante économique provisoire de la société française, ils décident de créer leur propre hebdomadaire afin de rendre compte du quotidien des immigrés, des luttes dans lesquelles ils sont engagés ainsi que de leur vie culturelle, affective et sociale. C’est ainsi que Sans Frontière aborde des sujets qui ne sont que très peu traités par les médias : la seconde génération, le recueil de témoignages d’immigrés, la place de la femme immigrée, la lutte pour la démocratie dans les pays du Tiers-Monde…
Multiculturelle, la rédaction de Sans Frontière rassemble des hommes et des femmes d’origines, de milieux et d’âges divers : immigrés africains, maghrébins ou antillais, citoyens français, travailleurs immigrés, enfants d’immigrés, intellectuels, journalistes professionnels, écrivains, étudiants... Ce « bazar multiracial » s’attache aussi à créer le lien entre deux âges du militantisme immigré : celui des travailleurs immigrés et celui de la nouvelle génération, qui mène le combat pour l’égalité dans les années 1980.
Affiche annonçant une représentation de la troupe Kahina. Affiche annonçant un concert organisé par Rock Against Police à Nanterre, 1980. 4e festival des travailleurs immigrés en Europe, 1979.
Journée des peuples noirs organisée par la Fédération des travailleurs d'Afrique noire immigrés, 1980.
"Les mobilisations politiques"
Candidature à la présidence de la République de Djellali Kamal, immigré et gréviste de la faim, (1974).
Les premières organisations immigrées des années 1970, telles que certains collectifs chiliens, marocains, tunisiens, portugais, iraniens... maintiennent un lien très fort avec le pays d’origine. De nombreux militants engagés dans des mouvements qui se battent pour l’égalité en France militent ainsi contre le pouvoir en place dans leur pays d’origine.
Les luttes se focalisent aussi sur l'accès à la citoyenneté et la participation à part entière à la société française. Le combat pour le droit de vote des immigrés en France intéresse de nombreux mouvements et associations. En 1974, Djellali Kamal, soutenu par le Mouvement des travailleurs arabes, présente sa candidature à l’élection présidentielle afin de faire valoir les droits des travailleurs immigrés et d’éveiller les Français à une solidarité vis-à-vis des étrangers, qui n’ont pas le droit à la représentation.
En 1982, le Collectif pour le développement des droits civiques en France est créé. Il résume son projet ainsi : “Nous voulons être citoyens là où nous vivons !” Le Collectif organise une fête des « futurs votants » à la Mutualité à Paris (5e arr.) le 4 mars 1983 où se tient un référendum symbolique pour le droit de vote des immigrés.
Gala organisé en soutien à la lutte des femmes algériennes.
Affiche d'une campagne de l'Association des Tunisiens en France (ATMF) pour le vote contre le racisme.
Affiche de l'Association des Marocains en France dénonçant la répression au Maroc.
Soutien à la lutte révolutionnaire du peuple chilien
Le droit d’association pour les étrangers (loi 81-909 du 9 octobre 1981)
La loi du 9 octobre 1981 abroge les discriminations à l'encontre des étrangers introduites par le décret-loi de 1939 et ouvre la pleine et entière liberté d'association. Cette loi, qui permet aux étrangers de créer ou d’adhérer à une association sans l’autorisation préalable du ministère de l’Intérieur, voit naître une fleuraison de nouvelles associations dirigées par des immigrés, en particulier parmi les jeunes issus de l’immigration qui souhaitent mettre en avant leurs revendications d’égalité et de participation citoyenne.
Avant l’application de cette loi, les associations d’étrangers sont constituées principalement sur une base nationale. C’est le cas, par exemple, de l'Association des Marocains en France (créée en 1961) ou de l’Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens (créée en 1974). Comme nombre d’associations d’étrangers, elles développent essentiellement des actions de mobilisation sur les questions en lien avec le pays d’origine (répression politique, démocratie…) et revendiquent des droits pour les travailleurs immigrés (logement, papiers, racisme..). Après 1981 les associations d’étrangers se préoccupent de plus en plus de la situation des immigrés en France : place des immigrés dans la société, revendications citoyennes, droit à l’égalité etc.
Après la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, les associations issues de l’immigration connaissent un vrai essor. De nombreuses associations, dont beaucoup sont créés et gérées par des jeunes (filles et garçons) et des femmes, voient alors le jour dans toute la France. On peut citer l’association SOS Avenir Minguettes (créée en 1983), l’Association des femmes maghrébines en action (1982), l'Association nouvelle génération immigrée (1981). Fer de lance de la lutte pour l’égalité et contre les discriminations, ces associations permettent à une nouvelle facette de l’immigration (les femmes et les jeunes) de s’affirmer sur la scène publique.
"Les luttes au féminin"
Affiche du Parti socialiste unifié (PSU) sur le droit à la parole des femmes immigrées.
Les femmes ne sont pas absentes des luttes de l’immigration, même si l’historiographie tend à occulter ou oublier leur rôle. Exilées, immigrées ou étudiantes qui restent en France temporairement, les femmes s’organisent de manière autonome dans des collectifs, des groupes ou des associations, principalement dans la région parisienne (Associations des Marocaines de France, Mujeres libres, Mouvement des femmes noires, Yeux Ouverts...). Situées au croisement des mouvements de libération des femmes et des luttes de l’immigration, que celles-ci se déroulent en France ou dans leur pays d’origine, les mobilisations des femmes touchent à des questions tant politiques que sociales, économiques et culturelles.
Numéro 9 du journal L'immigré, organe de la section immigrée de la Jeunesse ouvrière chrétienne (1981).
Bulletin de l'Association des femmes marocaine (AFM).
5ème édition du festival de l'immigration.
Couverture de Sans Frontière, 4 décembre 1979.
Rassemblement des mères de familles et des associations luttant contre les crimes racistes, Paris, 1984.
"1983
La Marche pour l'égalité et contre le racisme"
Affiche de la Marche pour l'égalité et contre le racisme (1983).
Couverture de Expression Immigrés-Français, n°16, nov. 1983.
En 1983, les jeunes issus de l’immigration mènent le combat pour l’égalité de manière pacifique avec la Marche pour l’égalité et contre le racisme. Partie de Marseille le 15 octobre 1983 dans une certaine indifférence, la Marche est accueillie à son arrivée à Paris le 3 décembre 1983 par près de 100 000 personnes. Née dans le quartier des Minguettes à Vénissieux (Rhône) à l’initiative de jeunes de la « seconde génération » de toutes origines et de militants des droits humains, la Marche reste un événement marquant dans l’histoire des luttes de l’immigration. Acte citoyen en faveur du vivre ensemble et du dialogue social, le message de la Marche met en avant un des principes fondamentaux de la République : l’égalité.
Marilaure Mahé fait la Marche de Marseille à Paris. Elle fait partie des 32 marcheurs permanents.
Couverture de Sans Frontière, n°81, déc. 1983.
Cette exposition a été conçue par l'association Génériques qui a pour objectif de préserver, sauvegarder et valoriser l’histoire et la mémoire de l’immigration en France et en Europe, notamment à travers des activités scientifiques et culturelles.
Les documents iconographiques sont issus du portail numérique national Odysséo (http://odysseo.generiques.org) créé en 2009 par Génériques. Le portail permet d’identifier et de localiser les sources sur l’histoire de l’immigration en France de 1800 à nos jours.
Cette exposition virtuelle est soutenue par le Conseil régional d'Ile-de-France, le ministère de la Culture et de la Communication et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
Conception—Louisa Zanoun, historienne, responsable du pôle scientifique et culturel à Génériques