Le digital et la plume

Lyon fut l’une des premières villes en Europe à connaître l’essor des imprimeurs et éditeurs. Le premier atelier d’imprimerie y fut installé au 15ème siècle sur les quais de la Saône. Ce fut le début de la grande période de l’édition lyonnaise : en un siècle, la ville a produit plus d’un tiers des éditions françaises. 

Un musée retraçant l’histoire des techniques graphiques s’y trouve même depuis 1963. La Maison Perreyon 1884 a acquis une réputation chic qui perdure toujours un siècle plus tard. 

La maison Perreyon a été créée en 1884 - qui fut aussi l’année de la date d’invention du stylo plume par Waterman. Si Kelly Ingargiola ne fait pas partie de la famille, elle en connaît parfaitement l’histoire.

Au fur et à mesure, la famille a développé l’offre papeterie et écriture. Les Perreyon sont restés aux commandes de la boutique jusqu’en 2001 avant de vendre à un successeur qui a souhaité garder le nom, bien connu sur la presqu’île de Lyon et au-delà. Kelly l’a reprise en 2016. Elle connait bien la famille, qui vient régulièrement au magasin. 

C’est ce côté historique qui lui plait : « quand les gens me demandent si je suis là depuis longtemps, je dis que je suis une start-up de 136 ans ! » 

Kelly a décidé de reprendre le commerce après quelques déceptions professionnelles et une expérience en vente à Paris : « je voulais absolument faire quelque chose d’artistique, créatif, qui élève un petit peu le débat ». 

À l’époque, les Perreyon avaient leur propre imprimeur. Ils ont ensuite travaillé avec plusieurs ateliers qui ont depuis fermé. Aujourd’hui, la maison continue surtout d’être connue pour les stylos de luxe et la papeterie fine. 

En boutique, on trouve des marques connues qui existent depuis longtemps et de la papeterie qui a fait ses preuves, des créateurs français de maroquinerie, mais aussi des produits spécifiques venus du Japon, de Turquie, du Canada. 

Pour Kelly, c’est un fétichisme plus qu’une passion : « j’ai plein de carnets à la maison sur lesquels j’écris des histoires. L’écriture a une force, une puissance qu’on a un peu oublié et qui revient beaucoup à la mode. Moi, ce que j’ai toujours aimé, c’est écrire, inventer, griffonner, dessiner ». 

D’autres clients fidèles habitent en Ardèche et viennent au magasin lorsqu’ils ont des cadeaux à faire, ou quand ils passent en presqu’île le week-end « je connais ces clients-là, je sais que dans leur circuit de shopping lyonnais ils vont forcément passer par chez moi ».  Perreyon touche aussi une nouvelle clientèle connectée.

Instagram fait venir des clients, pour autant, Perreyon 1884 n’a pas encore de site. C’est un fait exprès, car c’est l’esprit du magasin qui est intéressant et qui fait toute la différence. « Je vais devoir en créer un parce qu’on est en 2020, mais pour autant je garderai cette ligne de conduite, il n’y aura pas toute l’offre en ligne. »

Être spécifique fait la force de la marque. Ainsi, la boutique a un bar à encre, qui a un côté pratique autant qu’esthétique : on le voit de l’extérieur, et il attire systématiquement des curieux. Plus que vendre de la marque, Kelly souhaite mettre dans les mains des gens des outils pour créer au quotidien. Elle organise des ateliers d’écriture et des cours de calligraphie pour donner des méthodes et coups de mains aux gens qui veulent écrire. 

Elle recroise parfois des stylos qu’elle a fait graver au hasard de sa vie quotidienne, comme celui d’une femme qui écrivait au dos d’un ticket de caisse dans un bar. C’est la touche Perreyon : faire partie de la vie des clients sur le long terme, de manière plus ou moins consciente.