Légendes celtiques et bretonnes

A la fin du XVIIIe siècle, l’Europe des lettres connaît un bouillonnement culturel sans précédent : l’intérêt pour les traditions et chants populaires s’accroît au rythme du rejet de l’héritage gréco-romain et de la redécouverte du passé national. Les collectes se multiplient, La Villemarqué publie le Barzaz Breiz en 1839. Mais si la vogue celtomane a retenu l’attention de nombreux artistes, les légendes de la Bretagne ont été peu exploitées. Nous vous invitons à découvrir quelques fleurons de la collection de peintures d’inspiration bretonne du musée des beaux-arts de Quimper.

La Fuite du roi Gradlon (1884) by Evariste-Vital LuminaisMusée des Beaux-Arts de Quimper

La Fuite du roi Gradlon (1884) by Evariste-Vital LuminaisMusée des Beaux-Arts de Quimper

La fuite du roi Gradlon

« Le roi Gradlon, surpris dans sa ville d’Ys par les eaux de l’océan, n’eut que le temps de se sauver à cheval avec sa fille et saint Guénolé. Ce dernier dit au roi « Débarrasse-toi du démon que tu portes en croupe, car c’est lui qui par ses désordres a attiré la colère du ciel ». Le roi, reconnaissant cette voix de Dieu, eut le courage d’abandonner sa fille et put aborder à l’endroit qui est devenu Douarnenez ».

Esquisse pour La Fuite du roi Gradlon (1884) by Evariste-Vital LuminaisMusée des Beaux-Arts de Quimper

La Fuite de Gradlon, Evariste-Vital Luminais, 1884

Dans le tableau définitif, le peintre, en habile technicien, procède à quelques corrections qui seront déterminantes. Tout d’abord, il augmente sensiblement la surface de la mer, repoussant l’horizon vers le haut. Il accroît ainsi le caractère étrange de ces constructions qui émergent des flots dans les lointains. La moitié inférieure du tableau est désormais occupée par une vague qui déferle juste derrière les cavaliers. Au premier plan, à droite, il signale la présence de la terre ferme. Le groupe est dorénavant centré dans la composition et occupe une grande place. Luminais creuse l’espace entre les deux chevaux et, par un jeu de courbes, crée une dynamique à partir de la tête de Dahut, devenu le centre géométrique du tableau.

Les Lavandières de la nuit (1888) by Yan'DargentMusée des Beaux-Arts de Quimper

Les Lavandières de la nuit, Yan’ Dargent, 1888

Le jour des Morts, Postik, au lieu de prier pour ses défunts, déserte la messe pour le cabaret. Le soir, il rentre chez lui en titubant. Il croise sur son chemin la charrette conduite par l’Ankou, serviteur de la mort dans le légendaire breton, qui lui donne un premier avertissement : « Détourne ou je te retourne ». Puis il rencontre deux jeunes femmes étendant leur linge : « - Nous lavons, nous séchons, nous cousons. - Quoi donc ? - Le linceul du mort qui parle et marche encore. - Un mort ! Pardieu ! Vous me direz son nom. - Wilherm Postik. »Malgré ces avertissements funestes, Postik poursuit fanfaron son chemin et accepte d’aider les lavandières à tordre leurs suaires. Il garde à l’esprit de les tordre dans le même sens que ces blanchisseuses du diable. Mais il reconnaît parmi les lavandières les spectres de femmes défuntes de sa famille qui s’exclament : « Mille malheurs à qui laisse les siens brûler en enfer !». Postik en oublie toute précaution, tord le linge du mauvais côté et le linceul serre alors ses mains comme un étau avant qu’il ne tombe broyé par les bras de la lavandière.

Les Vapeurs de la nuit (1863) by Yan'DargentMusée des Beaux-Arts de Quimper

Yan’Dargent décrit les « anaon », ce peuple immense des âmes défuntes qui, pour les Bas-Bretons, ne quittent jamais tout à fait le monde d’ici-bas et reviennent, notamment à la Toussaint, dans les lieux fréquentés de leur vivant pour y reprendre leurs gestes du quotidien.

La Peste d'Elliant (1849) by Louis DuveauMusée des Beaux-Arts de Quimper

La Peste d’Elliant, Duveau, 1849

« A Elliant est descendu l’AnkouTous sont morts sauf deux ».La peste qui a ravagé Elliant a laissé des souvenirs indélébiles dans la mémoire orale dont La Villemarqué s’est servi pour le neuvième chant du Barzaz-Breiz. Difficile de savoir s’il s’agit de la peste de Justinien au VIe siècle, comme l’assure le collecteur breton, ou de la terrible « peste noire » qui a sévi à Quimper au XIVe siècle et a emporté Jean Discalceat, consacré « Santig du », le « petit saint noir » dont la statue se trouve encore dans la cathédrale de Quimper. Ou est-ce l’épidémie qui conduisit à l’édification de la chapelle Notre-Dame de Kerdévot à Ergué-Gabéric au XVe siècle, en dévotion à la Vierge ?

Le Désespoir de Cuchullin (1810/1817) by Louis CouderMusée des Beaux-Arts de Quimper

Le Désespoir de Cuchullin, Couder, 1810-1817

Lorsque qu’en 1760, James MacPherson fait découvrir ce qu’il présente comme la traduction anglaise de poèmes gaéliques rédigés par le barde Ossian, fils du héros Fingal, au IIIe siècle et retrouvés, selon ses dires, à partir de collectes de chants populaires dans les Highlands et les îles écossaises, le succès se répand dans une Europe qui découvre un autre patrimoine culturel que celui de l’antiquité classique.Trois poèmes d’Ossian fournissent à Auguste Couder, entre 1810 et 1820, des motifs qui lui permettent de jouer avec virtuosité du clair-obscur pour exprimer les tourments des héros ou l’effroi devant la mort.

Velléda, effet de lune (1883) by Jules LenepveuMusée des Beaux-Arts de Quimper

Vélleda, effet de lune, Lenepveu, 1883

En pleine vague celtomane, Chateaubriand propulse sur le devant de la scène la jeune prêtresse gauloise Velléda, dont les amours malheureuses avec le jeune Chrétien d’origine grecque Eudore, nommé par l’empereur gouverneur de l’Armorique, inspirent de nombreux peintres au rang desquels on trouve Maindron, Cabanel, Voillemot ou encore Corot.Plongeant dans les derniers feux du romantisme, Jules Lepneveu reprend en 1883 la figure héroïque de Velléda, dernière des neuf prêtresses du sanctuaire de l’île de Sein qui, déchirée entre son appel à la révolte contre la domination romaine et son amour pour Eudore, finit par se donner la mort.

La Légende de Kerdeck (1890) by Fernand Le QuesneMusée des Beaux-Arts de Quimper

La Légende de Kerdeck, Le Quesne, 1890

Rimé par Jean–Louis Dubut de Laforest, un sonnet composé en alexandrins et reproduit sur l’ample cartel du cadre raconte avec une verve au ton faussement sérieux la fin tragique d’Yvon, joueur de biniou, entraîné au fond de l’océan par une femme séductrice. Fruit de l’imagination de l’auteur, cette historiette, qui prend l’apparence du légendaire breton, compose une adroite transcription d’un thème universel : la tentation qui peut s’avérer fatale et engloutir, thème qui traverse toutes les civilisations et toutes les époques depuis l’Odyssée et le célèbre chant des sirènes jusqu’à la figure éminemment populaire au XIXe siècle de la Lorelei.

La Fuite de Rob Roy by G. DaviesMusée des Beaux-Arts de Quimper

Le sujet de cet étonnant nocturne est parfaitement identifié et puise son inspiration au cœur de l’un des célèbres romans de Walter Scott, Rob Roy, publié en 1818. Décrivant la fuite rocambolesque de ce héros écossais, incarnation haute en couleurs du bandit généreux détroussant les riches pour secourir les pauvres, notre artiste capte l’attention en insistant sur le suspens de l’action en cours.

La Légende de saint Kadock (1880) by Yan'DargentMusée des Beaux-Arts de Quimper

La légende de saint Kadock, Yan Dargent, 1880

Illustrant le monde merveilleux et légendaire de la venue des évangélisateurs gallois, écossais ou irlandais en Bretagne, Yan’ Dargent décrit avec un sens du naturel inné l’invraisemblable traversée qu’effectue saint Cado (ou saint Kadock), installé dans son auge de pierre poussée par deux anges joyeusement accaparés par leur tâche.

L'Incantation ou Le Bois sacré (1891) by Paul SérusierMusée des Beaux-Arts de Quimper

L'Incantation ou Le Bois sacré, 1891, Sérusier

Cette œuvre, célèbre, affirme l’attirance que l’artiste a toujours éprouvée envers les rituels mystérieux, souvenirs médités de cultes anciens ou oubliés. Les sombres forêts du Huelgoat, parsemées de roches insolites et imprégnées de légendes bretonnes, forment ici un écrin parfait à ce monde imaginaire. Nous assistons à une étrange célébration où trois femmes semblent se livrer à une forme de vénération devant un « feu sacré ». L’irréalité de cette apparition est renforcée par le caractère zoomorphique du rocher qui abrite la flamme.

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