Curieux sobriquet que cette appellation de « Bande noire »
qui rassemble plusieurs artistes, nés dans le courant des
années 1860, aux personnalités aussi diverses que Charles Cottet, Lucien Simon,
André Dauchez, Ignacio Zuloaga, René Ménard. De toute évidence, ces
différents artistes ont adopté une palette de couleurs qui réaffirmait
l’importance des teintes sombres pour décrire des scènes empreintes d’une
réalité dure, souvent misérable et parfois violente. Ces artistes nourrissaient envers les côtes du Finistère une passion tenace et sincère, arrimant ces confins maritimes au coeur de la grande histoire de la peinture.

Autoportrait by Charles CottetMusée des Beaux-Arts de Quimper

Parmi ces artistes, Charles Cottet (1863-1925) est aussi celui qui aura le plus contribué à renouveler les derniers feux du réalisme en Bretagne.

Lamentation des femmes de Camaret autour de la chapelle brûlée de Roch'-Amadour (1911) by Charles CottetMusée des Beaux-Arts de Quimper

Le peintre de la douleur

Dans un ciel rougeoyant rappelant autant le soleil couchant que l’incendie qui vient de frapper la chapelle de Rocamadour en 1910, des Bretons se fondent tels des spectres dans un paysage ravagé. Seules les coiffes blanches permettent de distinguer cette procession expiatoire. C’est une œuvre testament que livre Cottet, rongé par la maladie ; il en offre une version à la paroisse.

Deuil marin (1903) by Charles CottetMusée des Beaux-Arts de Quimper

En parfaite symbiose avec la population locale qui l’a largement adopté, ses œuvres montrent son empathie pour les gens de l’île d’Ouessant, confrontés à la misère, la maladie et les périls de la mer.

Gens d'Ouessant veillant un enfant mort (1899) by Charles CottetMusée des Beaux-Arts de Quimper

Veillée funèbre : le halo lumineux dirigé sur l’enfant dans ses habits de baptême, enveloppé du rougeoiement des fleurs en tissu, tranche avec l’obscurité qui entoure les femmes et les fillettes en prière.

L'Enfant mort (1897/1899) by Charles CottetMusée des Beaux-Arts de Quimper

L'étude du musée d'Orsay, déposée au musée des beaux-arts de Quimper, paraît moins sinistre car traitée dans des tons plus clairs et centrée sur un détail de la composition. L'enfant emmailloté est à peine esquissé et l'oeil est surtout attiré par les touches de couleurs à l'arrière-plan.

Marine bretonne (1903) by Charles CottetMusée des Beaux-Arts de Quimper

Au pays de la mer

Les paysages de la presqu’île de Crozon restent une perpétuelle source d’inspiration pour Charles Cottet. Pour ses marines, il choisit un temps menaçant, annonçant l’orage et conférant à ses compositions une atmosphère lourde et oppressante. A la lande succèdent les crêtes blanches des vagues en formation, puis un aplat de mer encore calme mais dont la couleur « glaz » (bleu-vert) préfigure les prochains déchaînements.

Pêcheurs fuyant l'orage (1903) by Charles CottetMusée des Beaux-Arts de Quimper

Pêcheurs fuyant l'orage

La palette très restreinte et la présence suggérée d’une femme et de pêcheurs ramassant leur matériel et abandonnant leur bateau parviennent à faire ressentir l’imminence de l’orage et des périls qui peuvent en découler.

Rayons du soir à Camaret (1892) by Charles CottetMusée des Beaux-Arts de Quimper

Rayons du soir à Camaret

Captant les derniers rayons du soir sur Camaret, Charles Cottet parvient à une harmonie chromatique qui témoigne de son affection viscérale pour ce port devenu son port d’attache. L’artiste retient le rougeoiement du soleil couchant sur les voiles, la tour Vauban, la chapelle de Rocamadour.

Autoportrait by Lucien SimonMusée des Beaux-Arts de Quimper

Lucien Simon (1861-1945) n'a pas dédaigné le genre de l'autoportrait, auscultant avec un vérisme sans concession les morsures du temps sur son visage altier. Datant des années 1930, cette gravure porte une petite marque d'humour avec cet oeil gauche fermé, clin d'oeil possible qui rappelle le caractère parfois espiègle de l'artiste.

Famille bigoudène en deuil (1910) by Lucien SimonMusée des Beaux-Arts de Quimper

Attristé par cette famille en deuil dont il connaissait le disparu, Lucien Simon a su trouvé, non pas les mots, mais la palette pour traduire dignement le chagrin silencieux d’une mère entourée de ses enfants. Admirateur des grands portraitistes du siècle d’or hollandais, Simon livre ici une vibrante méditation picturale à la Frans Hals, jouant à la perfection du contraste entre le noir des habits et la luminosité des visages.

Le Brûlage du goémon devant la chapelle Notre-Dame-de-la-Joie à Penmarc’h (1913) by Lucien SimonMusée des Beaux-Arts de Quimper

Le brûlage du goémon

Lucien Simon a étudié avec soin les activités humaines qui façonnaient le paysage côtier du pays bigouden, attaché à ennoblir les rudes tâches du quotidien de ces femmes vaillantes.

Le dur labeur de ces « paysannes de la mer » lui permet d’imaginer une œuvre contrastée d’ombres et de lumières où le noir du goémon s’oppose à la fumée duveteuse des feux. Au centre du tableau, la masse compacte de la chapelle Notre-Dame-de-la-Joie affirme le caractère immuable d’un pays dans lequel le sacré veille sur le rythme des saisons.

Parade de foire (1919) by Lucien SimonMusée des Beaux-Arts de Quimper

Parade de foire

A la différence de Charles Cottet, engagé dans la description d'une Bretagne éprouvée par les drames, Lucien Simon va décrire

avec une verve contagieuse l’animation cocasse qui mêle le profane et le sacré. Son art de la composition est à son apogée et la petite écuyère s’échappant sur la droite introduit une fantaisie colorée superbe et confirme la virtuosité de Simon dans l’usage d’une palette où s’opposent les teintes claires aux teintes sombres.

Bigoudènes devant les tréteaux (1935/1940) by Lucien SimonMusée des Beaux-Arts de Quimper

Véritable enseigne de foire, cette toile monumentale restitue l’ambiance festive d’un pardon breton grouillant d’une foule compacte de jeunes femmes portant la coiffe élevée, cependant que quelques anciennes ont conservé le modèle du début du siècle.

Quai de Kérity (1937/1939) by Lucien SimonMusée des Beaux-Arts de Quimper

Séduit par l’animation pittoresque du petit port de Kérity, Lucien Simon garde dans cette œuvre tardive une spontanéité de vision servie par une touche alerte. Les effets de matière ou de transparence animent joyeusement cette scène d’un bord de mer ensoleillé.

Intimité (1942/1944) by Lucien SimonMusée des Beaux-Arts de Quimper

Intimité

L’art de Lucien Simon s’est toujours épanoui avec bonheur dans les scènes intimistes. En composant cette scène d’intérieur, l’artiste a su recréer l’atmosphère d’une triste mélancolie, celle des années de vieillesse gâchées par la guerre, alors que les troupes allemandes ont réquisitionné une partie de sa villa, le Sémaphore à Sainte-Marine.

Photographie de la pointe de Lanhuron by André DauchezMusée des Beaux-Arts de Quimper

André Dauchez (1870-1948)

La grande passion d'André Dauchez : la description des paysages côtiers du Sud-Finistère. Familier des bords de l’Odet, la famille Dauchez habite une belle maison en amont de Bénodet.

Pins à la pointe de Lanhuron (1917) by André DauchezMusée des Beaux-Arts de Quimper

Le dessin des pins apparaît comme un leitmotiv dans nombre de ses gravures et traduit une fascination partagée avec les graveurs japonais.

Fin de jour by André DauchezMusée des Beaux-Arts de Quimper

Fin de jour

Ce superbe pastel est un des rares témoignages de cette technique dans laquelle Dauchez a produit des œuvres lumineuses et inspirées comme celle-ci où l’artiste décrit l’anse de Christillic-Le Letty à Bénodet à partir des lignes de fuite du talus et des multiples reflets colorés sur l’eau.

Paysage by Emile-René MénardMusée des Beaux-Arts de Quimper

EMILE RENE MENARD (1862-1930)
ne séjourne qu'un été à Bénodet, en 1910. Epris d’Antiquité classique, l'artiste préfère imaginer des paysages baignés d’une lumière apaisante comme dans ce beau pastel, à la subtile harmonie de couleurs sourdes, où de paisibles bovins paissent dans un monde hors du temps.

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