Voyagez sur les pas de Gauguin et de ses amis en Bretagne, de Pont-Aven au Pouldu, et laissez-vous envoûter par une page de l’histoire de l’art qui a vu naître, en une passionnante fin de XIXe siècle, tant de mouvements picturaux novateurs.
Les Batteuses de blé by Henri DelavalléeMusée des Beaux-Arts de Quimper
Les Batteuses de Blé
En 1886, date de création de cette œuvre, Henri Delavallée est l’un des
premiers à sympathiser avec Paul Gauguin dont c’est le premier séjour en
Bretagne. Tous les deux s’exercent alors à une technique inspirée de
l’impressionnisme et tout particulièrement de celle développée par
Camille Pissarro.
La présence magnifique du vermillon de la jupe de la paysanne de gauche, véritable aplat de couleur surgissant de la composition, laisse entrevoir également de nouveaux usages pour l’application des pigments. On sait à quel point, deux ans plus tard, Bernard et Gauguin bouleverseront les codes de la représentation en systématisant l’usage des aplats colorés. Avec cette toile, Delavallée prépare également la grande révolution picturale du synthétisme.
Août, verger à Pont-Aven
Emile Bernard rencontre Gauguin à Pont-Aven en 1886 où il peint "Août, Verger à Pont-Aven" tout à fait caractéristique du style néo-impressionniste qui, à l'époque, a sa faveur et qui révèle l’influence de Seurat, Signac et Pissarro. La touche pointilliste posée de manière vive sur le panneau de bois, tout comme le jeu sur les couleurs chaudes et froides participent du sentiment de vibration qui surgit de cette œuvre, échappant à tout pittoresque. Rien que le titre témoigne de cette volonté du peintre de jouer sur la sensation d’un mois d’août en Bretagne.
Gourde (1887) by Paul GauguinMusée des Beaux-Arts de Quimper
La gourde de Gauguin
Cette gourde fait partie d’un ensemble de céramiques réalisées en 1886-1887, entre le retour de Gauguin de son premier séjour à Pont-Aven jusqu’à son départ avec Charles Laval pour Panama puis la Martinique. Il a sans doute voulu faire référence aux pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle : le couvercle, l’anneau, l’anse et la courroie de suspension s’ajoutent au brun du grès, à peine rehaussé par quelques touches de bleu et de blanc pour faire penser à une gourde en cuir.
Un Breton canne à la main et une Bretonne portant la coiffe noire du Pouldu se tiennent la main sur l’un des côtés de l’objet. Ils semblent sortir tout droit d’un tableau de Gauguin.
De part et d’autre, dans un décor simplifié et japonisant, l’artiste a modelé des oies, motif récurrent notamment dans le décor de la buvette de Marie Henry (1889).
Le Bois d'Amour
Le titre de cette œuvre intrigante renvoie à un site célèbre de la petite bourgade de Pont-Aven. Il évoque également une des peintures les plus fameuses de l’artiste, « Madeleine au bois d’Amour » (musée d’Orsay), datant de 1888. La superposition de vastes aplats irréguliers casse les codes de la perspective traditionnelle, tout comme l’irréalité des couleurs renforce l’impression de flottement qui émane de cette aquarelle. Finalement, la suggestion l’emporte franchement sur la description et produit ce véritable tour de force d’emporter le spectateur vers un univers onirique.
Vue du Port de Pont-Aven (1893/1894) by Maxime MaufraMusée des Beaux-Arts de Quimper
Vue du port de Pont-Aven
1 mètre 50 par 3 mètres, autant dire que la "Vue du port de Pont-Aven" en impose. Atypique dans l’œuvre de Maufra mais également dans celui de l’Ecole de Pont-Aven, ce tableau écrit une page importante de l’histoire de l’art du paysage français. Celui que Gauguin qualifie d’« artiste d’avant-garde » y déploie tout son génie de la composition : aucun pittoresque dans cette scène de calfatage d’un chasse-marée échoué à marée basse sur la vasière de l’anse du bas-Bourgneuf. Les bateaux et les maisons du village sont à peine esquissés. Maufra joue habilement avec les lignes et les courbes du paysage en accentuant à dessein la vastitude de l’anse et la hauteur de la colline de Saint-Guénolé
Le feu servant à fondre le goudron qui assure l’étanchéité de la coque est attisé par deux hommes, rejoint par une femme en costume traditionnel portant des fagots. Les volutes de fumée font montre d’un chromatisme subtil irriguant d’ailleurs l’ensemble de la toile qui, si elle reste influencée par l’esprit synthétiste de la simplification, témoigne d’une originalité dans l’utilisation de la touche et du cerne.
Carte postale buvette de la plage vers 1925Musée des Beaux-Arts de Quimper
GAUGUIN AU POULDU
En juillet 1889, Paul Gauguin, lassé de l’ambiance hostile de ses coreligionnaires, décide de quitter Pont-Aven pour s’installer dans un petit hameau au bord de la mer : le Pouldu. C’est le troisième séjour qu’il effectue en Bretagne et ce nouveau contact avec un environnement où règne une nature encore sauvage va s’avérer des plus féconds.
Décor de la buvette en 1925
Lors de son installation au Pouldu, Gauguin est accompagné de Meijer de Haan et bientôt rejoint par Charles Filiger et Paul Sérusier. Tous les quatre vont participer à une aventure picturale remarquable en investissant progressivement les murs de la salle à manger de l’auberge tenue par Marie Henry. Voici la salle à manger de la buvette de la plage au Pouldu au moment de la découverte des fresques de Gauguin et de Haan sous sept couches de papier peint, photo de 1925 de Victor Bolloré.
Participant de ce décor aujourd’hui dispersé aux quatre coins du monde, le musée a la chance de conserver trois œuvres rares qui témoignent de cette incroyable aventure artistique : L’Oie de Gauguin, au symbolisme équivoque par ses possibles renvois au mythe de Danaé, la Nature morte au pichet et oignons de Meijer de Haan où l’on reconnaît un biberon en faïence de Quimper…
Le Génie à la guirlande
… et enfin le Génie à la guirlande de Charles Filiger. Cette dernière œuvre, placée en 1892, clôt ce cycle avec une mise en application presque parfaite de l’usage du cerne et de l’aplat coloré.
Paysage du Pouldu (1892) by Charles FiligerMusée des Beaux-Arts de Quimper
Charles Filiger, Paysage du Pouldu
Cette gouache de Charles Filiger est un véritable chef-d’œuvre. On y retrouve l’esprit des estampes japonaises composées en aplats de couleurs suivant des bandeaux horizontaux superposés. Les contrastes de la gamme chromatique attirent l’œil, notamment le rose des champs qui entre en opposition ou en harmonie, selon le point de vue, avec le bleu de l’arrière-plan
Cet arbre fou, traité d’une manière japonisante, ses formes torturées, menaçantes et presque spectrales renforcent l’impression de déséquilibre et de vertige qui domine la composition.