Il y a deux cent ans, dans le Grand-duché de Bade, Karl Drais fait l'essai de la machine à courir qu'il vient d'inventer. Nous sommes le 14 juin 1817. Pendant tout le 19e siècle, cet engin ne cesse d’évoluer pour devenir ce que l'on appelle plus communément aujourd’hui le vélo …
LE CHEVAL MÉCANIQUE
En France, c'est Louis Joseph Dineur qui dépose le brevet d'invention de cette nouvelle machine qu'il baptise vélocipède. Sa commercialisation n'est guère brillante et ses utilisateurs moqués ... Ainsi, sitôt né il est déjà l'objet de perfectionnements mécaniques complexes, essentiellement pour transmettre la puissance de la force humaine aux roues notamment par le pédalage.
LA TRANSMISSION PAR CHAINE
En 1834, l'horloger Julien-Benjamin Roussel est le premier à vouloir faire mouvoir un vélocipède à l'aide d'une transmission par chaîne sans fin. Il en dépose le brevet le 8 avril 1835 sous le titre de "voiture marchant par le moyen d'une mécanique mue à bras d'hommes". Sans doute beaucoup trop lourd pour être utilisé sur route, mais l'idée est là et il reste le premier véhicule à transmission par chaîne jamais construit.
LE PÉDALAGE ALTERNATIF
Alexandre Mercier, ouvrier-mécanicien originaire d'Amiens, est le premier à intégrer le principe que chacune des roues d’un vélocipède ne doit avoir qu'une fonction : à l'avant la roue directrice et à l'arrière la roue motrice. Jusque-là, les constructeurs ne différencient pas les deux roues. Son cheval mécanique est présenté devant le maire de la ville à l'occasion des fêtes du Roi, le 1er mai 1843. Il dépose un brevet d'invention quelques jours plus tard et marque ainsi officiellement l'apparition du pédalage alternatif. Aujourd'hui, le vélo moderne est toujours construit sur le même principe que le cheval mécanique d'Alexandre Mercier.
LA PÉDALE
Curieusement, dans un 19e siècle en pleine effervescence inventrice, il faut attendre 1853 pour que la pédale circulaire et le pédalage rotatif fluide qu'elle occasionne, celui que nous connaissons et qui nous semble si naturel, soit découvert. La paternité en revient à Jules Sourisseau qui dépose le brevet d'invention pour sa manivelle pédiforce en 1853. La manivelle de Sourisseau est une pièce mécanique métallique complexe, emboutie, usinée puis assemblée et montée libre en rotation sur des coussinets. Elle inclue un cale-pied qui évite que le pied ripe pendant l'effort et qui permet une traction pour la remonter. Cette invention mécanique inconnue avant 1853 est l'une des étapes majeures dans le développement du vélo.
LA VOITURE MÉCANIQUE
Au milieu du 19e siècle, l’entrepreneur de serrurerie Benjamin Geslin est réputé pour ses lits et ses fauteuils pliants en fer. En 1855, il prend un brevet d’invention pour une voiture mécanique. Sa voiture est le premier vélocipède muni de roues à rayons métalliques montés en tension et dont les axes tournent sur des galets, les ancêtres des roulements.
LE VÉLO COUCHÉ
Les précurseurs incontestables du vélo-couché, vélo-horizontal ou vélorizontal, sont les architectes Louis Alexandre Blar et François Ernest Garin qui déposent un brevet d’invention en 1857 pour une application de la force humaine comme moteur. L’homme, assis sur un siège incliné, vient appuyer ses pieds sur des pédales qui le supportent au-dessous des talons et qui prennent leur point de rotation sur un arbre. Chaque pédale est munie d’un rochet qui conduit une roue fixée sur le même arbre auquel elle transmet le mouvement circulaire qu’elle reçoit de la pédale. La nouvelle machine est destinée "aux machines à élever l’eau, battre le blé, broyer le chanvre, élever les fardeaux, scier le bois, la pierre, le marbre, etc.". Pour les vélocipèdes ? Il n'y a qu'un pas.
Le vélo couché par CHALLAND. Brevet d"invention de 15 ans n° déposé le pour un vélocipède perfectionné (1BB256560).Source d'origine : archives INPI
Cependant, il faut attendre 1896 pour que le vélo couché devienne réalité : le 23 mai, l’ingénieur suisse Challand brevète son vélocipède perfectionné et lui donne la forme qu'on lui connaît.
LE VÉLOCIPÈDE PERFECTIONNÉ
Faisant le bilan des inconvénients du vélocipède à pédales, désormais appelé bicycle, le Centralien Charles Desnos dépose un brevet pour des "perfectionnements dans les appareils de locomotions dit vélocipède". Il rend à chaque roue une fonction unique, comme Alexandre Mercier. Il ajoute deux vitesses à la roue motrice, l’une pour démarrer et gravir les côtes et l’autre pour rouler à grande vitesse et il adopte la manivelle pédiforce. Il fixe ainsi définitivement les caractéristiques du vélo moderne : roue avant directrice, roue arrière motrice, transmission multiplicatrice par courroie ou chaîne et changement de vitesses dans le pédalier.
LE PNEU
Avant de devenir l'un des plus célèbres pionniers de l'aviation, l'ingénieur Clément Ader s'intéresse au deux-roues. Premier d'une longue liste, il dépose un brevet le 24 novembre 1868 pour un perfectionnement apporté aux vélocipèdes. Il précise alors dans sa demande que "s’il est impossible d’aller partout et en tout temps avec un vélocipède, il faut chercher les moyens pour manœuvrer le plus aisément possible sur les mauvaises voies. Ce moyen pour lequel je sollicite un brevet d’invention consiste tout simplement en l’application d’une bande élastique, soit de caoutchouc, de gutta percha ou toute autre substance possédant le même principe d'élasticité, autour des roues des vélocipèdes formant ainsi un intermédiaire compressible entre le sol et le vélocipède". Ader est alors le tout premier à imaginer l’ancêtre du pneumatique actuel.
LE VÉLOCIPÈDE A PÉDALE INDÉPENDANTE
Depuis l’invention du baron Drais, les vélocipédistes sont condamnés à lever les jambes lorsque la machine prend de la vitesse, principalement dans les descentes par exemple. Pas très pratique … A partir du moment où la pédale s’impose, c’est la même chose et c’est encore moins pratique puisque les pédales tournent dangereusement. Le premier à imaginer rendre la roue libre en débrayant l’axe ou l’essieu d’un vélocipède est le mécanicien François Nicolet. Il dépose son brevet le 14 mai 1869 pour un Vélocipède à pédales indépendantes avec deux systèmes à rochets installés dans une boîte en bronze emboîté dans le moyeu.
LE VÉLOCIPÈDE DEVIENT BICYCLE
Dans le domaine industriel et commercial, le vélocipède ou bicycle doit son essor à une fratrie de trois Centraliens lyonnais, les frères Olivier. En 1868, ils fondent une première société conjointement avec Pierre Michaux, autre fameux fabricant de vélocipèdes, la société Michaux et compagnie. Leurs innovations sont reprises par la plupart des autres fabricants de l’époque.
LE VÉLO ÉLECTRIQUE
Aujourd’hui, les vélos électriques ou à assistance électrique font leur apparition sur les routes et plus particulièrement dans le centre-ville des grandes agglomérations. L’idée d’un vélo électrique ne date cependant pas d’hier … Le 28 avril 1869, Joseph Marié dépose un brevet pour un vélocipède magnéto-électrique. Cependant, il faut attendre plus d’un siècle pour que ces travaux trouvent des échos dans l’industrie et notamment celle du cycle, de la moto, mais aussi celle de l’automobile et des véhicules lourds. Enfin, c’est au 21e siècle que le concept de vélo électrique voit son application concrète.
LE VÉLO POUR DAME
"Mais les hommes ne pensent qu’à eux ! Si une femme voulait s’adonner à pareil exercice, même dans les solitudes champêtres, elle se couvrirait de ridicule en enfourchant une semblable monture". C’est à ces mots qu’Emile Viarengo de Forville, en tout bon chevalier qu’il est, imagine de créer un nouveau vélocipède, pour dame. Nous sommes en 1871.
LE VÉLO AMAZONE
Fort de son premier brevet du vélo pour dame, Emile Viarengo, se lance dans l’étude de plusieurs perfectionnements. En 1874, ceux-ci débouchent sur un nouveau brevet d’invention pour un vélo amazone à roue postérieure motrice.
LE VÉLO A VITESSE PEUGEOT
Nous devons nous intéresser à la fabrication de vélocipèdes et tricycles ! Voilà comment Armand Peugeot, l’un des dirigeants de la société Les fils de Peugeot frères, conclut son conseil d’administration du 6 juin 1885. Le 12 décembre suivant, Peugeot dépose son premier brevet dans ce domaine et non des moindres. Un changement de vitesses à deux rapports est intégré au moyeu d’un bicycle et peut être actionné directement via l’axe de pédalier ou indirectement, via deux chaînes mécaniques sans fin et un jeu de pignons multiplicateurs.
Des pieds et des mains Des pieds et des mains par James VALÈRE. Brevet d'invention déposé le 28.03.1892 pour un système de propulsion des vélocipèdes au moyen des pieds et des deux mains, permettant une augmentation de vitesse; le tout combiné avec un dispositif de direction par les deux mains (1BB220459).Source d'origine : archives INPI
DES PIEDS ET DES MAINS
A l’origine, en 1818, le vélocipède est pensé pour faciliter la course et la rendre plus efficiente tout en supprimant la contrainte du poids du coureur. Si l’action des jambes est ainsi optimisée, celle des bras n’est d’aucune aide à la propulsion. En 1892, James Valère, dépose un brevet d’invention pour un système de propulsion des vélocipèdes au moyen des pieds et des deux mains, permettant une augmentation de vitesse, le tout combiné avec un dispositif de direction par les deux mains. Lors des essais, il croise le cycliste Henri Farman, futur pionnier de l’automobile et de l’aviation, et lui propose une course. Après 300 m, Farman est distancé et on en reste là … La nouvelle fait grand bruit, mais trop complexe et couteuse, la nouvelle machine ne rencontre pas le succès escompté et il n’y a pas de production industrielle.
LA TRANSMISSION ACATÈNE
La transmission acatène est un système qui transmet un mouvement en se passant d’une chaîne, acatène vient du latin a catena qui signifie sans chaine. Par extension, un vélo utilisant ce système est dit vélo acatène. La société Malicet et Blin formée par Paul Malicet et Eugène Blin, brevète le principe le 22 octobre 1895. Le système est protégé de la boue ou de la poussière par des carters. Par la même occasion, les vêtements et les mollets du cycliste sont aussi protégés de ces terribles mâchoires rotatives. Bien que plus solide, le système acatène est plus lourd, plus complexe et nécessite plus d’énergie qu’une chaîne. Il n’a pas le succès escompté mais aujourd'hui des constructeurs s'y intéressent à nouveau.
LE DÉRAILLEUR
A partir de 1886, la chaîne sans fin s’impose comme le mode de transmission du mouvement à la roue motrice des vélocipèdes et les premiers vélos à vitesse apparaissent. Pourtant, aucun mécanisme ne fait passer la chaîne d’un pignon à l’autre. Le premier à réaliser un dérailleur qui permet le déplacement latéral de la chaîne est Jean Loubeyre qui dépose un brevet d’invention le 15 février 1895 pour une bicyclette à changement de vitesse en marche. Une simple fourchette rotative avec ressorts actionnée par une manette double via deux tringles, faisait dérailler la chaîne latéralement sur un pignon ou l’autre et vice versa. Plus tard, Jean Baptiste Panel dit Joanny et Louis Bouiller, tous deux associés à Saint-Etienne, modernisent le dérailleur Loubeyre et en dépose le brevet en 1912. Ce système perdure et donne naissance aux dérailleurs actuels.
Conception et réalisation : service Archives, INPI archives@inpi.fr
en collaboration avec Bernard GOUGAUD, Didier MAHISTRE et Claude REYNAUD